FRANÇOISE ROMAINE Veuve, Fondatrice des Oblates, Sainte 1384-1440

Publié le par monSeigneur et monDieu

La vie de Sainte Françoise Romaine, épouse et mystique (1384-1440) 

Thèmes abordés : Le rôle des apparitions privées. Ajoutent-elles à la révélation ? Sont-elles des dictées de Dieu ? Le grand schisme d’Occident. Mariée toute jeune, elle vécut quarante ans dans le mariage, épouse et mère de famille parfaite, admirable de piété, d'humilité et de patience. En période de calamités, elle distribua ses biens aux pauvres, soigna les malades et, après la mort de son mari, elle se retira parmi les oblates qu'elle avait rassemblées sous la Règle de saint Benoît, et mourut en 1440. Sa vie est emplie de visions célestes d’ordre sensible, dont sa fameuse vision de l’enfer.

Pourquoi ce désir de partager la vie de cette Sainte avec vous ?

Peut être parce que je constate non seulement en moi un désir d’évacuer une réalité m’amenant à considérer la  tristesse de mon humanité qui m’amène à faire ainsi que le disait Saint Paul (quoi qu’atteint dans une moindre mesure que moi) :

Romains 7

…18 Ce qui est bon, je le sais, n'habite pas en moi, c'est-à-dire dans ma chair: j'ai la volonté, mais non le pouvoir de faire le bien. 19 Car je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas. 20 Et si je fais ce que je ne veux pas, ce n'est plus moi qui le fais, c'est le péché qui habite en moi.

Cependant sans vouloir juger quiconque, je réponds en partie à quelqu’un qui par « voie contact » semble ne pas avoir encore compris que je ne blogue pas par distraction (cela bouffe une bonne partie de mon temps que je pourrais consacrer à prier pour les miens et moi- même !) et aussi parce que je constate directement, ou suite à des confidences des uns et des autres que je ne suis pas seul dans la barque !

Certains vont même à se dire que l’église ne parlant plus de l’enfer qu’il leur arrive d’en rencontrer leur disant qu’il ne s’agit que de balivernes !!!

Il serait peut être temps pour nous tous de nous réveiller et de regarder la réalité en face.

Nous sommes bien en GUERRE comme cela nous a été annoncé … et la sainteté c’est à cela que nous sommes appelés si nous acceptons de revoir notre copie et de considérer qu’une éternité entre damnés … n’est à souhaiter à personne !!

Pourtant c’est en CHARTER que chaque jour le peuple de Dieu s’y retrouve au grand désespoir de Notre Seigneur Qui S’est livré pour nous en acceptant les souffrances les plus ignominieuses pour notre salut !

Aussi nous allons aborder la vie d’une Sainte et par la suite sa fameuse vision de l’enfer !!!

Et BRAVO à ceux qui se sont accrochés pour faire  la Dévotion des 40 jours avant la fête de St Michel Archange !

 Quand je constate cela, c’est du vrai baume qui pénètre mon cœur et c’est un plaisir pour moi d’œuvrer pour vous et pour ceux qui tiennent sur d’autres dévotions.

Que Notre Dieu Trinitaire, Notre Sainte Mère, et tous les Saints Anges et Saints du Ciel nous bénissent !!!

Deo Gracias ! 

INTRODUCTION

Pour être née dans l'opulence, une femme du monde n'est pas moins obligée de suivre les maximes de l’Évangile : sainte Françoise.

Nous verrons, dans la vie de cette illustre veuve, le portrait de cette femme forte dont parle le Sage, et dont il fait de si grands éloges. Elle naquit l'an de grâce 1384. Son père se nommait Paul Bussa, et sa mère Jacqueline Roffredeschi, l'un et l'autre des premières familles de Rome. Elle fit paraître, dès le berceau, une telle aversion pour tout ce qui est contraire à la pureté, qu'elle ne pouvait souffrir qu'aucun homme, pas même son père, usât des caresses et des libertés que la nature autorise envers un enfant. A l'âge de douze ans, elle eût bien désiré s'enfermer dans un cloître pour y servir le reste de ses jours le seul Époux des vierges ; elle fit même tous ses efforts pour cela : mais ses parents, sans consulter ses inclinations, l'obligèrent d'épouser, en 1396, malgré toutes ses répugnances, Laurent Ponziani, jeune seigneur romain, dont la fortune égalait la naissance : il y eut peu de mariages aussi heureux, parce qu'il y en a peu d'aussi saints ; l'estime, le respect et l'amour furent mutuels, la paix et l'union inaltérables; ces époux vécurent ensemble quarante années sans la moindre mésintelligence, sans une ombre de froideur.

Cependant à peine Françoise eut-elle changé de condition, qu'elle tomba dangereusement malade; ce qui fit connaître le déplaisir qu'elle avait eu à s'engager dans le mariage. Néanmoins, sa maladie ne dura pas longtemps, car saint Alexis, lui apparaissant la nuit, lui rendit en un instant une santé parfaite. Sa maison fut une véritable école de vertu : elle regardait ses domestiques, non pas comme ses serviteurs et ses servantes, mais comme ses frères et ses sœurs en Jésus-Christ, sans néanmoins que cette douceur lui fit rien relâcher du zèle et de la justice, quand il y allait de l'offense de Dieu ; car elle ne pouvait souffrir que l'on fît rien contre les intérêts de Sa gloire. Son premier soin fut d'étudier le naturel de son mari, et d'éviter scrupuleusement tout ce qui aurait pu lui déplaire. Elle le considérait comme son maître, et comme celui qui tenait près d'elle la place de Dieu sur la terre ; elle lui était si soumise, si obéissante, que, lors même qu'elle était occupée à la prière, ou à quelque pratique de piété, elle laissait tout pour le satisfaire et vaquer aux obligations de son état : ce qui doit faire le principal objet de la dévotion d'une femme engagée dans le mariage. Aussi Dieu fit-il paraître, par une merveille, combien cette obéissance lui était agréable. Notre Sainte, récitant un jour l'office de Notre-Dame, fut tellement pressée de l'interrompre, pour satisfaire à quelque devoir de sa maison, qu'elle quitta par quatre fois un même verset ; mais l'affaire faite, retournant à sa dévotion, elle trouva le verset écrit en lettres d'or, quoique auparavant il ne fût écrit qu'en caractères communs. Quelque temps après, l'apôtre saint Paul lui apparaissant en une extase, lui dit que son bon ange avait tracé lui-même ces nouveaux caractères, pour lui faire connaître le mérite de l'obéissance.

Le sacrement de mariage ayant été établi de Dieu pour peupler le ciel par la naissance des enfants sur la terre, cette fidèle épouse pria Notre-Seigneur de lui en vouloir donner. Elle eut, entre autres, un fils qui, par un heureux présage, eut pour patron Jean l'Évangéliste, à la différence de son aîné appelé Jean-Baptiste. Il ne vécut que neuf ans ; mais en ce peu de temps il fit connaître qu'il était né plutôt pour le ciel que pour la terre : car il fut doué du don de prophétie, et prédit à son père qu'il recevrait un coup dangereux en un endroit du corps qu'il lui marqua, et à un religieux mendiant, qu'il changerait bientôt d'habit : ces prédictions se vérifièrent ; Laurent Ponziani fut blessé en une guerre survenue, l'an 1406, entre les Romains et les Napolitains, et le religieux fut fait évêque. Ce saint enfant fut frappé de la peste, lorsqu'elle affligea la ville de Rome, au commencement du XVe siècle. Prévoyant sa mort, il en avertit sa bonne mère et la supplia de lui donner un confesseur, parce qu'il voyait saint Antoine et saint Onuphre, à qui il portait une particulière dévotion, s'avancer vers lui pour le conduire au ciel : ce qui arriva le même jour ; et il fut enterré dans l'église de sainte Cécile, au-delà du Tibre. Un an après, la Sainte, priant dans son oratoire, aperçut son petit Jean tout brillant de lumière et assisté d'un autre encore plus éclatant que lui ; il lui découvrit l'état de sa gloire dans le ciel : il était dans le second chœur de la première hiérarchie, et l'ange qui l'accompagnait, paraissait plus beau, parce qu'il était dans un plus haut degré de gloire que lui. Il ajouta qu'il venait chercher sa sœur Agnès, âgée seulement de cinq ans, pour être placée avec lui parmi les anges. Enfin, en s'en allant, il lui laissa, pour gardien, cet archange qui, depuis, demeura toujours avec elle et elle avoua à son confesseur que, quand elle jetait les yeux sur cet esprit céleste, il lui arrivait la même chose qu'à une personne qui re-garde fixement le soleil, et ne peut supporter l'éclat de sa lumière.

Le ciel répandait sur elle ces douceurs d'un autre monde, qui sont l'avant-goût des joies divines ; mais il lui réservait une croix, et une croix terrible. Rome ayant été prise par le roi de Naples, Ladislas, Françoise vit sa maison pillée, ses biens confisqués, son mari banni : elle supporta ces revers avec une constance admirable. La tempête l'agitait au dehors, mais le calme était dans son âme et la sérénité sur son visage. L'orage passa ; son mari fut rappelé de l'exil, ses biens lui furent restitués ; la paix rentra dans sa famille. La vertueuse dame profita de ces malheurs pour persuader à son époux de vivre ensemble dans une parfaite continence. Cet époux sanctifié par les vertus célestes de son épouse tendrement aimée, lui accorda tout ce qu'elle voulut. Dès lors, elle ne mangea plus qu'une fois par jour, ne se nourrit que de pain et d'eau, et, au plus, de quelques légumes insipides qu'elle prenait une seule fois le jour. Elle s'interdit pour jamais et jusqu'à la mort l'usage du linge fin, et ne se vêtit plus, dessous ses habits de serge, que d'un âpre cilice et d'une ceinture faite de crin de cheval ; elle portait, en outre, un autre cercle de fer qui lui perçait la peau. Non contente de cet instrument de pénitence, qu'elle ne dépouillait jamais ni jour ni nuit, elle y ajoutait, à diverses reprises, une discipline faite de chaînons de fer avec des pointes aiguës : la seule obéissance, qu'elle préférait à tous ses sentiments lui fit quelquefois diminuer ces rigueurs, lorsque son confesseur se croyait obligé d'y apporter de la modération. Elle joignait à cette austérité la pratique des œuvres de miséricorde, en assistant les pauvres qu'elle regardait comme les images de son Sauveur crucifié. Pour le faire avec plus d'avantage et de liberté, elle se joignit à sa belle-sœur Vannosa, âme très vertueuse : elles allaient ensemble, de porte en porte par les rues de Rome, quêter des aumônes pour les nécessiteux. Dieu agréa si fort cette conduite qu'Il fit souvent des miracles en leur faveur, multipliant le pain et le vin qu'elles donnaient pour Son amour.

Elle se confessait ordinairement tous les mercredis et les samedis, et communiait au moins une fois par semaine ; elle fréquentait beaucoup l'église de Saint-Pierre, au Vatican ; celle de Saint-Paul, hors de la ville ; celle de Notre-Dame d'Ara-Cœli ; celle de Sainte-Marie-la-Neuve et celle de Sainte-Marie, au-delà du Tibre, toujours en la compagnie de sa belle-sœur. On raconte qu'un jour elles allèrent à l'église de Sainte-Cécile pour y faire leurs dévotions : un prêtre, qui n'approuvait pas que des femmes mariées communiassent si souvent, leur donna à l'une et à l'autre des hosties non consacrées ; mais Françoise s'en aperçut aussitôt, ne ressentant pas la présence de son Époux, comme elle avait coutume de faire quand elle recevait la sainte communion ; elle s'en plaignit au père Antoine de Monte-Sabellio, son confesseur, qui vint trouver le prêtre : ce dernier lui confessa la vérité de la chose, et fit pénitence de sa faute.

Le démon, qui ne voyait qu'à regret la vertu de notre Sainte, résolut de la combattre. Employant tous ses efforts pour la perdre, il se présenta à elle en mille postures épouvantables, avec des gestes ridicules et immodestes. Il l'attaquait souvent durant ses prières, la roulait le visage contre terre, la traînait par les cheveux, la battait et la fouettait cruellement. Une nuit, comme elle prenait un peu de repos, après un rude combat, il transporta le corps d'un homme mort dans sa chambre, et la tint sur ce cadavre un long espace de temps : cela lui fit une telle impression, que, depuis cet accident, il lui semblait que cet objet était toujours proche d'elle, sans qu'elle pût se délivrer de l'odeur qu'il exhalait : que dis-je ? la seule vue des hommes lui était un supplice, sentant à leur abord un frémissement universel dans tous ses membres. Il serait impossible de rapporter ici toutes les persécutions que le démon lui a faites, et les victoires qu'elle a remportées sur lui. Elle a triomphé de sa malice, non seulement quand il l'a employée contre elle, mais encore quand il l'a employée contre les autres : tantôt elle convertissait des femmes abandonnées au vice, tantôt elle les chassait de Rome, ou des autres asiles où elles se retiraient, pour les empêcher de pervertir l’innocence.

Elle obtint, par ses prières, que son confesseur fût délivré d'un malin esprit qui le poussait à la colère. Elle prévoyait les tentations de plusieurs âmes et les préservait d'y tomber par ses bons avis. Une fois, le démon précipita Vannosa du haut d'une montée, en bas, et lui brisa presque tout le corps ; mais Françoise, par ses prières, la rétablit aussitôt en parfaite santé. Ainsi, le démon demeurait vaincu de tous côtés.

Depuis qu'elle s'était associée avec la pieuse Vannosa, sa belle-sœur, elle ne faisait rien que de concert avec elle. Un jour Dieu voulut montrer, par une merveille, combien leur sainte union lui était agréable : comme elles s'étaient retirées à l'écart d'un côté du jardin, à l'ombre d'un arbre, pour délibérer ensemble sur les moyens de quitter le monde, des poires extrêmement belles et de bon goût tombèrent à leurs pieds, quoique ce fût au printemps. Ces deux saintes femmes portèrent ces fruits à leurs maris, afin de les affermir, par ce prodige, dans la volonté de servir Dieu, et de leur donner à elles  une entière liberté, de le faire.

L'an 1425, notre Sainte entreprit d'ériger une congrégation de filles et de veuves, qui s'adonnassent parfaitement à la piété et à la dévotion, sous la règle de Saint-Benoît. Elle fut affermie en ce pieux dessein par plusieurs visions célestes où lui apparurent les apôtres saint Pierre et saint Paul, saint Benoît et sainte Madeleine, qui lui prescrivirent des règles pour ses religieuses. Il lui sembla voir un jour que saint Pierre, après l'avoir voilée et bénite solennellement, l'offrait à Notre-Dame, pour être reçue sous sa protection et sa sauvegarde spéciale ; ce fut alors qu'étant revenue à elle, elle rédigea par écrit les règles qui ont été observées, depuis, dans son monastère, telles qu'elles lui avaient été dictées en ces admirables visions et, les ayant communiquées à son père spirituel, elle les fit approuver par le pape Eugène IV.

La bienheureuse Françoise avait alors environ quarante-trois ans ; elle en avait passé déjà vingt-huit dans le mariage. Dans les douze qu'elle y passa depuis, Dieu fit éclater sa sainteté par plusieurs merveilles et guérisons miraculeuses ; mais son humilité les lui faisait déguiser par l'application des remèdes sur la partie blessée, quoique ces remèdes fussent tout contraires au mal. Nous ne disons rien de l'assistance particulière que les anges lui ont rendue. Nous avons déjà vu qu'outre son ange gardien, Dieu lui en donna un second, qui l'accompagnait visiblement : s'il arrivait que le démon empruntât la figure d'un ange de lumière pour la tromper, ce fidèle gardien ne manquait point de lui découvrir l’artifice de son ennemi, et son âme était incontinent remplie d'une odeur si agréable, qu'elle en était admirablement consolée. Si, lorsqu'elle était en compagnie, il lui échappait une action ou une parole moins nécessaires, ou si elle se laissait emporter à des pensées superflues touchant son ménage, ou d'autres sujets, cet esprit céleste, témoin continuel de toute sa vie, se dérobait à ses yeux, et, par son absence, l'obligeait de rentrer en elle-même, et de se reconnaître. De là vient que l'on dépeint cette sainte ayant à son côté un ange qui lui sert de guide et de gouverneur.

La mort, qui n’épargne personne, lui ayant ôté son mari, l'an 1436, elle régla en peu de temps toutes ses affaires, et, abandonnant ses biens aux enfants qu’elle avait encore au monde, elle se rendit au monastère qu'elle avait fondé ; là, se prosternant contre terre, la corde au cou et les yeux baignés de larmes, elle supplia très humblement les filles, dont elle était la mère en Jésus-Christ, de la recevoir dans le monastère en qualité de petite servante ; ce qu'elles firent avec toute la joie imaginable. Bientôt après, elles l'élurent pour leur supérieure, nonobstant toutes ses répugnances.

Ces religieuses sont appelées oblates, parce qu’en se consacrant à Dieu elles se servent du mot oblation et non de celui de profession : au lieu de dire comme les autres, je fais profession, elles disent je m'offre ; elles ne font point de vœux ; elle promettent simplement d'obéir à la mère présidente. Elles ont des pensions, héritent de leurs parents et peuvent sortir avec la permission de leur supérieure. Il y a dans le couvent qu'elles ont à Rome plusieurs dames de la première qualité.

Voilà donc sainte Françoise absolument mère de la pieuse congrégation qu’elle avait elle-même établie. Elle la porta depuis à une telle perfection, qu'on peut dire qu'elle y a laissé l'idée la plus parfaite de la vie religieuse. Elles étaient d'abord peu commodément logées : c'est pourquoi elles firent acquisition d'une autre maison plus propre et mieux située, au pied du Capitole, où elles se rendirent solennellement après avoir toutes communié ; cette maison fut appelée la Tour du Miroir, à cause d'une tour qui est au même lieu, et qu’on a ornée, sur la surface, de quelques reliefs semblables à des miroirs.

Dieu continua, et même augmenta les faveurs qu'il faisait à notre Sainte, et fit par elle beaucoup de miracles, que l'on peut voir en la bulle de sa canonisation. Elle délivra du mal caduc un enfant de cinq ans, en lui mettant la main sur la tète. Par le même moyen, elle en guérit un autre d'une rupture ; elle rendit la santé à plusieurs autres malades par la seule imposition de ses mains. Une femme, nommée Angèle, qui était percluse d'un bras par la violence de la goutte, ayant rencontré la Sainte par le chemin, implora son secours, et reçut d'elle, à l'heure même, une parfaite santé. Elle donna un jour très abondamment à dîner à quinze religieuses avec quelques morceaux de pain, qui eussent à peine pu suffire pour trois, et cependant il en resta encore plein un panier. Une autre fois, quelques religieuses l'ayant suivie pour couper du bois hors de la ville, comme elles souffraient de la soif, Dieu fit pousser dans une vigne autant de grappes de raisins qu’elles étaient de filles avec elle, quoique ce fût au mois de janvier. Nous passons sous silence le reste de ses miracles, pour dire un mot de ses vertus, particulièrement de son humilité, par laquelle elle s'est élevée à la véritable grandeur.

Jamais elle n'a souffert, ni dans le cloître, ni dans la maison de son mari, qu'on la servît, quoiqu'elle fût la maîtresse et la supérieure ; mais, pratiquant à la lettre la parole de Notre-Seigneur, elle aimait mieux servir les autres et être traitée en servante : elle se plaisait même singulièrement à être estimée la moindre de toutes, et, si on l'eût crue, on ne lui aurait point donné de titres plus honorables que celui de "pécheresse, de vaisseau d'impureté, et de femme très vile et très misérable". Cette humilité parut plus encore dans ses actions que dans ses paroles : car on l'a vue revenir de sa vigne, qui était hors des faubourgs, avec un faisceau de sarments sur sa tête, et conduisant devant elle un âne chargé, qu'elle employait pour le service des pauvres ; elle faisait voir par là que rien n'est difficile à la charité ; et que, quand cette vertu nous fait agir, on foule aux pieds le respect humain, même celui qui paraît le plus raisonnable. Dans les souffrances, sa patience était invincible : lorsque son mari fut envoyé en exil, que ses biens furent confisqués et toute sa maison ruinée (durant les troubles qui suivirent l'invasion de Rome par Ladislas, roi de Naples, et pendant le grand schisme qui déchira l’Église, sous le pontificat de Jean XXIII, l'an 1413), jamais elle ne dit rien autre chose que ces belles paroles de Job : «Le Seigneur me les a donnés, le Seigneur me les a ôtés ; que Son saint Nom soit béni !» Elle avait une grande dévotion envers le saint Sacrement de l'autel ; en sa présence elle s'élevait à Dieu avec tant de ferveur, qu'elle demeurait quelquefois longtemps immobile et toute ravie en esprit. Pour la Passion de Notre-Seigneur, elle la méditait avec une si grande tendresse, qu’elle en versait d'abondantes larmes, et éprouvait même réellement des douleurs aiguës aux endroits de son corps où Jésus-Christ avait souffert dans le sien, comme le dit expressément la bulle de sa canonisation. Enfin, Dieu voulut terminer une si sainte vie par une heureuse mort.

Jean-Baptiste, son fils aîné, étant tombé dans une maladie très dangereuse, Françoise se crut obligée de lui prodiguer ses soins, puisqu'elle ne les refusait pas aux étrangers. Son confesseur lui commanda d'y passer la nuit, parce qu'il y avait trop loin pour retourner à son monastère, au-delà du Tibre ; mais elle fut elle-même saisie cette nuit d'une fièvre ardente, qui s’augmenta si fort, que, n'étant point en état de pouvoir sortir de ce lieu, elle fut obligée de se disposer à la mort par la réception des sacrements. Dieu lui ayant fait connaître que le septième jour de sa maladie serait le dernier de sa vie, elle en donna avis, quatre jours auparavant, disant : «Dieu soit béni! jeudi au plus tard je passerai de cette vie à une meilleure». L'événement vérifia cette prédiction ; en effet, le mercredi suivant, 9 mars 1440, elle rendit son esprit à celui qui l'avait créé, avec une tranquillité admirable, et sans aucun signe de douleur. Elle était âgée de cinquante-six ans elle en avait passé douze en la maison de son père, quarante en son mariage et quatre en religion.

Son corps fut porté à l'église de Sainte-Marie-la-Neuve, où il demeura trois jours exposé à la vue de tout le peuple, qui y courait en foule afin d'y admirer les merveilles de Dieu. Il s'exhalait de ce précieux trésor une odeur si agréable, que l'on eût dit que toute l'église était remplie de jasmins, d’œillets et de roses. Plusieurs miracles furent faits à son sépulcre par l'attouchement des choses qui lui avaient appartenu ; surtout en faveur des personnes affligées de la peste. Un parfumeur, appelé Jérôme, étant à l'article de la mort, en fut retiré pour avoir touché l'habit de notre Sainte ; et une femme, nommée Madeleine de Clarelle, en fut préservée par la seule invocation de son nom. Une foule de malades furent guéris par le mérite de ses prières. Un turc, nommé Béli, était si endurci qu'on n'avait jamais rien pu gagner sur son esprit ; tout ce qu'on put tirer de lui fut qu'il dirait ces paroles : «Françoise, servante de Dieu, souvenez-vous de moi». Il se convertit.

Toutes ces merveilles ont souvent fait presser les souverains Pontifes de procéder à la canonisation de cette illustre Romaine. Eugène IV, Nicolas V et Clément VIII y travaillèrent ; Paul V acheva cette sainte affaire le 29 mai 1608. Innocent X a commandé d'en célébrer la fête, avec office double, ce qui se fait le 9 mars. Le corps de sainte Françoise demeura en terre plus de deux cents ans. Il fut exhumé en 1638, et enfermé dans une belle châsse, de cuivre doré.

La fête de sainte Françoise est chômée dans Rome, comme l'était à Paris celle de saint Roch avant la révolution, c'est-à-dire que sans être de précepte, elle est l'occasion d'une grande solennité.

On représente quelquefois la Sainte poussant un âne devant elle. D'autres fois, on place près d'elle un petit ange, ordinairement vêtu en manière de diacre et rayonnant de lumière. On sait que son ange gardien lui apparaissait presque tous les jours, et selon le plus ou moins d'éclat qu'il répandait, la sainte avait appris à comprendre si Dieu était content d'elle, ou si elle avait quelque chose à se reprocher. La clarté que l'ange répandait autour de lui était parfois telle que la sainte pouvait lire la nuit sans autre lumière. On la représente aussi recevant l'Enfant Jésus des mains de Notre-Dame qui le lui remit un jour qu'elle venait de visiter l'église de Saint-Étienne, pour qu'elle le portât jusqu'à l'église voisine. On la voit encore portant au bras un panier de légumes pour montrer qu'elle remplissait avec joie les bas offices de la communauté.

VISIONS DE SAINTE FRANÇOISE ROMAINE

Sainte Françoise a laissé quatre-vingt-treize visions qu'elle a dictées elle-même à son confesseur. Le traité de l'enfer, en particulier, est fort remarquable.

Dans la vision treizième, elle voit la Sainte Vierge dont la tête est ornée de trois Couronnes : celle de sa virginité, celle de son humilité et celle de sa gloire.

Dans la vision quatorzième, elle raconte le ciel : celui-ci est divisé en ciel étoilé, ciel cristallin et ciel empyrée. Le ciel des astres est très lumineux ; le cristallin l'est encore davantage, mais ces lumières ne sont rien en comparaison de celles qui éclairent le ciel empyrée : ce sont les plaies de Jésus qui illuminent ce troisième ciel.

Dans la dix-septième vision, Dieu lui montre sa divinité : elle vit comme un grand cercle qui n'avait d'autre soutien que lui-même, et jetait un éclat si vif que la Sainte ne pouvait le regarder en face : elle lut au milieu les paroles suivantes : "Principe sans principe et fin sans fin". Elle vit ensuite comment se fit la création des anges : ils furent tous créés à la fois, et la puissance de Dieu les laissa tomber comme des flocons de neige que les nuées versent sur les montagnes pendant la saison d'hiver. Ceux qui ont perdu la gloire du ciel à jamais, forment le tiers de l'immense multitude de ces esprits.

Le 13 février 1432, c'est la vingt et unième vision, le chœur des vierges, conduit par sainte Madeleine et sainte Agnès, lui fit entendre le cantique suivant :

« Si quelqu'un désire entrer dans le cœur de Jésus, il doit se dépouiller de toutes choses tant intérieures qu’extérieures ; se mépriser et se juger digne du mépris éternel ; agir en toute simplicité, n'affecter rien qui ne soit conforme à ses sentiments, ne point chercher à paraître meilleur qu'on n'est aux yeux de Dieu ; ne jamais revenir sur ses sacrifices ; se renoncer à soi-même et connaître sa misère au point de ne plus oser lever les yeux pour regarder son Dieu ; se haïr soi-même au point de demander vengeance au Seigneur ; rendre au Très-Haut les dons qu'on en a reçus : mémoire, entendement, volonté ; regarder les louanges comme un supplice et un châtiment ; s'il arrive qu'on vous témoigne de l'aversion, regarder cette peine comme un bain d'eau de rose dans lequel il faut se plonger avec une vraie humilité ; les injures doivent résonner aux oreilles de l'âme qui tend à la perfection comme des sons agréables ; il faut recevoir les injures, les mauvais traitements comme des caresses : ce n'est pas assez, il faut en rendre grâces à Dieu, il faut en remercier ceux de qui on les reçoit ; l'homme parfait doit se faire si petit qu'on ne doit pas plus l'apercevoir qu'un grain de millet jeté au fond d'une rivière profonde ».

Il lui fut dit ensuite qu'une seule âme s'était trouvée au monde ornée de toutes les vertus dans un degré suprême : celle de Marie.

Dans la quarante-troisième vision, elle tint Jésus sur ses genoux : Il avait la forme d'un petit agneau. Elle vit ensuite un autel magnifiquement orné sur lequel était un agneau portant les stigmates des cinq plaies. Au pied de l'autel étaient un grand nombre de riches chandeliers arrangés dans un bel ordre. Au premier rang, c'était le plus éloigné, il y en avait sept qui signifiaient les vertus principales ; au second rang, il y en avait douze qui signifiaient les douze articles du symbole ; au troisième, il y en avait sept qui signifiaient les sept dons du Saint-Esprit ; au quatrième, il y en avait sept autres qui re-présentaient les sept sacrements de l’Église. Cette vision, qui eut lieu un jour de la Toussaint, dura treize heures. Elle vit encore les principaux ordres de saints qui s'avançaient sous leurs étendards. Les patriarches étaient conduits par saint Jean-Baptiste ; les apôtres par saint Pierre et saint Paul ; les évangélistes par saint Jean et saint Marc ; les martyrs par saint Laurent et saint Étienne ; les docteurs par saint Grégoire et saint Jérôme ; les religieux par saint Benoît, saint Bernard, saint Dominique et saint François ; les ermites par saint Paul et saint Antoine ; les vierges par sainte Marie-Madeleine et sainte Agnès ; les veuves par sainte Anne et sainte Sabine ; et les femmes mariées par sainte Cécile.

Le traité de l'enfer, avons-nous dit, est le plus remarquable des écrits qu'a dictés sainte Françoise.

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Publié dans Messages Divers, Religion

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