Mémoires d'un Anti-Apôtre : E.S. 1025 - MARIE CARRÉ - N2
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CHAPITRE III
OÙ L’ORGUEIL EST EXALTÉ COMME UNE QUALITÉ DOMINANTE ET SUPERBE
Après cette mémorable soirée, l’oncle m’invita à prendre connaissance de quelques dossiers secrets et vraiment passionnants. Bien que ces mémoires ne doivent jamais être publiés, je veux rester prudent et je ne parlerai donc pas de ces dossiers. J’en connais qui donneraient, encore aujourd’hui, une fortune pour pouvoir les photographier. J’en ris, car il suffirait d’inventer une machine capable de lire dans ma mémoire.
Pendant cette semaine-là, j’appris un certain nombre d’adresses utiles, ainsi que des numéros de téléphone de divers pays. Toutes ces précautions sentaient la guerre derrière la porte. Je piaffais du désir de quitter l’Europe, car le bien de l’humanité eût été trop compromis par ma mort ou même seulement par l’abrutissement que procure le service militaire un peu prolongé.
L’oncle me fit revenir dans son bureau pour discuter politique internationale, mais je ne m’intéressais que médiocrement à cette science-là. L’oncle m’en fit le reproche en précisant que l’athéisme n’est qu’une branche de la politique. À part moi, je pensais que c’était la plus importante. Et l’oncle, qui paraissait entendre mes pensées ajouta : « Vous avez raison de considérer l’athéisme comme primordial, comme fondamental, mais vous avez encore beaucoup à apprendre dans ce domaine ».
J’en convins avec la plus parfaite mauvaise foi. Et, tout en gardant mon impassibilité, j’ajoutai : « Cependant j’ai une petite idée sur la direction générale qu’il faudrait donner à la lutte que nous entreprenons ».
Un éclair d’amusement passa sur le visage de l’oncle. Je crois que c’est parce qu’il m’aimait bien.
Je le fixais avec un brin de défi. Il me dit : « Parlez, mais soyez bref ».
Que voulais-je de plus ? ...Je dis donc tout paisiblement : « Au lieu de combattre le sentiment religieux, il faut l’exalter vers une direction utopique ». Un silence, il digérait. « Bon, dit-il, un exemple ».
Je tenais le bon bout. Il me semblait, en fait, que la terre entière était à ce moment là entre mes mains. J’expliquai calmement : « Il faut mettre dans la tête des hommes, et particulièrement des hommes d’église, de rechercher à n’importe quel prix une religion universelle où toutes les églises viendraient se fondre. Pour que cette idée prenne corps et vie, il faut inculquer aux gens pieux, et particulièrement aux catholiques romains, un sentiment de culpabilité concernant l’unique vérité dans laquelle ils prétendent vivre ». « N’êtes-vous pas vous-même un peu utopique dans la deuxième partie de votre proposition ? » – « Non, non, du tout, répondis-je vivement. J’ai été catholique et très catholique, je veux dire très pieux et très zélé jusqu’à ma quatorzième année, et je crois qu’il est relativement facile de montrer aux catholiques qu’il y a de saintes gens chez les protestants, chez les musulmans, chez les juifs, etc. etc. » – « Admettons, me répondit-il, mais alors, quel sentiment auront les autres religions ? » – « Ce sera variable, dis-je, et je dois encore étudier cet aspect du problème, mais, pour moi, l’essentiel est d’atteindre profondément et définitivement l’Église catholique. C’est elle la plus dangereuse. » – « Et comment verriez-vous cette église universelle vers laquelle vous voudriez les voir tous courir ? » – « Je la vois très simple, dis-je, elle ne pourra jamais être autrement que simple. Pour que tous puissent entrer.. elle ne pourra retenir qu’une vague idée d’un Dieu plus ou moins créateur, plus ou moins bon, selon les jours. Et du reste, ce Dieu ne sera utile que dans les périodes de calamités. Alors, la peur ancestrale remplira ces temples-là, mais autrement ils seront plutôt vides. »
L’oncle réfléchit un bon moment, puis me dit : « Je crains que le clergé catholique ne voie rapidement le danger et ne soit hostile à votre projet ». Je répondis vivement : « C’est bien ce qui s’est produit jusqu’à présent. Mon idée a déjà été lancée dans les airs par des non-catholiques et cette Église a toujours fermé sa. porte à pareil programme. C’est justement pourquoi j’ai voulu étudier la façon de lui faire changer d’avis. Je sais que ce ne sera pas facile, qu’il faudra y travailler pendant vingt ou même cinquante ans, mais que nous devons y arriver ». – « Par quels moyens ? » – « Des moyens nombreux et subtils. Je vois l’Église catholique comme une sphère. Pour la détruire, il faut donc l’attaquer en de nombreux petits points jusqu’à ce qu’elle ne ressemble plus à rien. Il faudra savoir être très patients. J’ai des tas d’idées qui peuvent paraître, au premier abord, mesquines et puériles, mais je soutiens que l’ensemble de ces mesquines puérilités deviendra une arme invisible d’une grande efficacité. » – « Bon, me dit l’oncle, mais il faudrait me faire un petit topo. »
Lentement, je sortis mon portefeuille, en tirai une enveloppe qui contenait un précieux travail de mise au point de mes idées. Je posai ce document sur le bureau avec une invisible satisfaction. L’oncle se mit à lire aussitôt, ce que je n’avais pas osé espérer. Cela me prouvait qu’il fondait de grands espoirs sur moi. Comme il avait raison, le cher vieil homme !
Après sa lecture, qui lui prit plus de temps que vraiment nécessaire, l’oncle me regarda et dit : « Je vais faire examiner ce travail par mes conseillers. Vous reviendrez chercher la réponse dans huit jours, à la même heure. En attendant, préparez votre départ pour la Pologne. Prenez cela », me dit-il en me tendant une enveloppe qui était très généreusement garnie de roubles, de plus de roubles que je n’en avais jamais possédés.
Je pris une indigestion de théâtre et de cinéma et j’achetai un grand nombre de livres. Je ne savais pas trop comment les expédier, mais je pensai que l’oncle y pourvoirait par une quelconque valise diplomatique. Je vécus ces huit jours dans un état d’exaltation tel que je ne sentais plus mon corps et que je ne dormis pour ainsi dire pas.
Pour moi, se posa alors la question (et c’était bien la première fois) de savoir si j’essaierais de rencontrer une femme. Mais dans l’état d’exaltation cérébrale où je me trouvais, je pensai que cela n’en valait pas la peine. Je craignais même, par une action aussi médiocrement animale, de porter malchance à mon projet actuellement à l’étude parmi les plus hautes autorités du service. N’était-il pas avant tout important que d’emblée, je puisse sauter plusieurs grades et passer par-dessus le plus grand nombre possible des mille et vingt et quatre prédécesseurs qui ne pouvaient pas me valoir ?
Un soir, j’essayai de me saouler pour voir si mon cerveau en recevrait une utile impulsion. Il n’en fut rien et je peux affirmer que l’alcool est encore plus néfaste que la religion, ce qui n’est pas peu dire.
Quand vint le moment de me présenter à nouveau au bureau de l’oncle, mon cœur battait un peu plus vite, mais ce n’était pas désagréable. L’important est que personne ne pût s’en apercevoir.
L’oncle me regarda longuement, puis me dit avec un petit sourire que son chef voulait me connaître. Comme il était certain qu’un si haut personnage ne se dérangerait pas pour me notifier son mécontentement, je ne fus pas du tout impressionné par cette convocation.
Mais, par contre, je fus horrifié par l’aspect extérieur de ce fameux « chef ». Horrifié est bien le mot qui convient et, trente ans après, il me suffit de fermer les yeux pour le revoir et le sentir. Il avait une telle « présence » que les autres n’étaient plus que des marionnettes. Déjà, je déteste cette sensation-là, mais il faut ajouter que cette « présence » était celle d’un monstre. Comment peut-on accumuler la brutalité, la grossièreté, la ruse, le sadisme, la vulgarité ? Cet homme devait certainement être de ceux qui vont dans les prisons se délecter des tortures. Or, j’ai un profond dégoût pour la cruauté qui est, j’en suis sûr, signe de faiblesse. Et comme je méprise toutes les faiblesses, comment pourrais-je jamais accepter que l’oncle se montrât si servile devant la brute qui nous recevait ?
La brute fit comme tous les chefs, elle commença par me regarder fixement dans les yeux pour voir. Pour voir quoi ? Avec moi, il n’y a rien à voir. Il n’y aura jamais rien à voir, camarade, pensais-je avec satisfaction.
Puis le chef me demanda ce à quoi je tenais le plus. Il me fut bien facile de dire : le triomphe du Parti, alors que la vérité avait plus de subtilité. Ce chef n’en avait-il donc aucune ? C’était impensable. Puis il ajouta d’un petit ton négligent :
« À partir d’aujourd’hui, vous êtes inscrit parmi les agents secrets actifs. Vous donnerez des ordres toutes les semaines. Je compte sur votre zèle. Je veux bien admettre qu’il faille un certain temps pour détruire les religions de l’intérieur, cependant il est nécessaire que les ordres que vous donnerez trouvent un écho, notamment chez les écrivains, les journalistes et même chez les théologiens. Bien entendu, nous avons une équipe qui surveille les écrits religieux du monde entier et donne son avis sur l’utilité des directives données par tel ou tel agent. Donc, débrouillez-vous pour plaire. J’ai bon espoir, car il me semble que vous l’avez déjà compris tout seul. »
La brute n’était pas un idiot. Il entendrait parler de mon travail, cela j’en étais certain. Je connaissais trop bien la vulnérabilité des chrétiens pour douter de mon succès futur. Je crois que cette vulnérabilité peut s’intituler : « charité ». Au nom de cette sacro-sainte charité, on peut leur inoculer n’importe quel remords. Et le remords est toujours un état de moindre résistance. C’est à la fois médical et mathématique, ce qui pourtant ne va pas ensemble, mais moi, je mariais ces deux données.
Je saluai dignement le chef et le remercia avec froideur. Je ne voulais pas qu’il pût s’imaginer qu’il m’avait impressionné.
Quand je me retrouvai seul avec l’oncle, je me gardai bien de faire le moindre commentaire sur ce trop fameux chef. Du reste, je devais plutôt me féliciter que ce personnage fût si antipathique, car j’étais ainsi guéri d’avance de toute timidité envers les grands de ce monde. Et j’aboutissais toujours à cette même conclusion que, de toutes façons, le plus grand, c’était moi.
CHAPITRE IV
OÙ L’ART DE JOUER LA COMÉDIE DE LA MODESTIE
RENCONTRE UN OBSTACLE PARFAITEMENT HUMBLE
Je partis pour la Pologne en essayant de me persuader que ma puissance de dissimulation signifiait des dons certains de comédien.
À vingt et un ans, après avoir vécu six ans solitaire, en étudiant pauvre et ambitieux, il fallait que je redevienne un jeune homme affectueux, prévenant, obéissant et pieux... plus que pieux : brûlant d’entrer au séminaire.
Une jolie comédie pour mes débuts. Je pensais que j’arriverais à tromper ma soi-disant mère, mais le docteur ? Je craignais réellement son diagnostic. Cet homme était peut-être le seul dont je n’aie jamais eu peur dans ma vie. Pourtant il fallait à tout prix, à n’importe quel prix, le mettre dans ma poche. Non pas que je n’eusse pu entrer au séminaire sans son appui, mais, pour me prouver ma force, je ne devais jamais être soupçonné. Le docteur était pour moi comme un test de ma propre valeur.
Je sonnai « chez moi » vers six heures, de façon à passer une petite heure avec elle, avant son retour à lui.
Ce fut elle qui m’ouvrit. Elle avait beaucoup vieilli et n’était même pas fardée ! Elle paraissait malade. Elle se mit à trembler, puis à pleurer. Les femmes ne sont vraiment à leur place que dans des harems où les hommes vont les voir seulement en cas de nécessité absolue.
Je demandai pardon pour mon long silence, espérant que la question du repentir serait ainsi rapidement réglée, puis oubliée, avant que le docteur ne rentrât. Aucune envie de manifester un repentir mâle, devant un vrai mâle.
Avec elle, je savais qu’on arriverait rapidement à la joie des retrouvailles et des projets d’avenir. Comme elle ne pouvait pas avoir de plus grand désir que celui de me voir prêtre catholique, je lui fis part tout de suite de mon irrésistible vocation.
La pauvre sotte était tellement heureuse que je lui aurais fait avaler n’importe quoi.
Elle voulut savoir comment m’était venue cette bien aimée vocation. J’avais vaguement pensé à diverses explications, puis avais renoncé à préparer cette scène d’avance. Généralement, le prémédité sonne moins bien que l’impromptu.
Je lui sortis une histoire d’apparition tout à fait propre à la séduire. Je savais bien que le docteur se méfiait de ce genre de choses. Mais elle avait un faible pour le merveilleux. Ainsi, je m’assurais de les diviser et de renforcer ma position. Pendant qu’ils se disputeraient à mon sujet, ils me laisseraient tranquille.
Je lui racontai donc une vibrante histoire d’apparition céleste, en prenant bien soin d’en graver les détails dans ma mémoire, de façon à ne jamais me couper. Je trouvais pittoresque de prétendre avoir reçu la visite de saint Antoine de Padoue. Le patron des objets perdus ne pourrait-il pas aussi s’occuper des enfants perdus ? Ce saint est tellement populaire qu’on peut lui attribuer n’importe quel miracle, les gens pieux marcheront toujours. Donc saint Antoine de Padoue m’avait rendu visite avec, bien entendu, le petit Enfant Jésus dans ses bras. Pendant que j’y étais, autant fabriquer tout de suite une belle image de dévotion.
Comme nous nagions dans la piété la plus sirupeuse, le docteur rentra chez lui. J’étais soulagé de voir arriver un être raisonnable. Mais je sus tout de suite qu’il ne me croyait pas.
Ainsi la partie serait plus difficile à jouer et donc plus amusante.
Je me devais de convaincre mon faux père. Je devais tout au moins l’acculer à faire semblant.
Mais cette première soirée fut plutôt pénible. Le docteur est un des rares hommes vraiment intelligents qui se soient trouvés sur mon chemin. Le jeu n’en était que plus voluptueux.
Le lendemain, je demandai une audience à l’évêque. Ma fausse mère le connaissait depuis son enfance. Il me reçut gentiment, mais sans enthousiasme. Il devait faire partie de ces catholiques qui pensent qu’il est préférable de ne pas exciter une vocation, mais au contraire de la combattre. Une vraie vocation doit triompher de tout obstacle.
Heureusement que je connaissais bien cet état d’esprit et que je pus ainsi ne pas m’en vexer. Mais je reconnais que cette attitude peut provoquer le désarroi chez un être qui justement n’a pas la vocation. Quant à moi, je sus rester chrétiennement humble et il ne me parut pas possible que l’évêque fût mécontent de moi.
Cependant, il me pria de me présenter au curé de ma paroisse ainsi qu’à un religieux réputé pour avoir reçu le don du discernement des esprits. Ce charabia veut simplement dire que ce bonhomme pense être capable de détecter toutes les fausses vocations, depuis les simplement imaginaires jusqu’aux franchement perverses.
Je me rendis d’abord chez mon curé, un brave homme tout simple. Il avait envie de voir fleurir une vocation sur sa paroisse et m’aurait donné tout ce qu’il possédait, c’est-à-dire presque rien, pour fêter cette heureuse nouvelle.
Pour que ce saint enthousiasme me fût profitable auprès du docteur, je priai ma fausse mère d’inviter l’ecclésiastique à dîner. Ce fut délicieux, car l’homme avait une âme d’enfant et, devant ce phénomène rare, mais très apprécié dans les procès de canonisation, le docteur se sentait malade. Comment un honnête chrétien peut-il résister aux saints ?
J’étais donc fort réconforté quand je me rendis chez le religieux dont on vantait la perspicacité. Cet homme me parut au premier abord assez pénible à supporter à cause de sa lenteur et des nombreux silences qu’il semblait affectionner. Cependant, je pus sortir tous les clichés qui sont susceptibles de décrire une véritable vocation sacerdotale. Je riais intérieurement car, enfin, comment cet homme pouvait-il s’imaginer que mes pensées secrètes pourraient lui être dévoilées. Et comment aurait-il su si j’avais des pensées secrètes ?...
Notre entrevue fut très longue, mais je finis par y prendre goût. Je parlais avec facilité et m’écoutais avec satisfaction. Bien entendu, je manifestais la plus exquise modestie. C’est du reste une soi-disant vertu très facile à imiter. C’est même un jeu des plus amusants. Et j’étais un as de la modestie, ainsi que de beaucoup d’autres comédies.
Je me gardai de parler d’une soi-disant apparition de saint Antoine de Padoue. Ainsi, au cas où ma mère lui aurait dévoilé ce fait, il serait édifié de me voir le taire.
Cependant, je fus quand même fier de lui raconter que je n’avais jamais connu de femme et me désintéressais tout à fait de ce sexe tout juste utile à procréer. Je pense que ce pouvait être une marque certaine de vocation. Car je pouvais employer ce mot de vocation pour le métier que j’avais choisi dans le cadre du Parti et mon indifférence pour les femmes y devenait aussi une sorte de prédestination. Apôtre ou anti-apôtre ne doit épouser que son apostolat. Je fus donc très simplement éloquent chaque fois que le mot d’apostolat revenait dans la conversation. Il devait paraître évident que je serais un prêtre très zélé.
Ce religieux me tendit plusieurs pièges, notamment il essaya de me faire mentir. Enfantin ! Un homme intelligent sait que le mensonge ne doit être employé que le plus rarement possible.
Et même quand je me sens obligé de dire des mensonges, j’ai trop de mémoire pour me couper en dévoilant la vérité. Non, un bon mensonge doit simplement devenir vérité pour celui qui l’a créé et donc aussi pour tous ses interlocuteurs.
Ce religieux voulut savoir pourquoi j’avais laissé mes parents adoptifs sans nouvelles pendant six ans. Là, je devins pathétique. Il m’était facile de revenir en arrière et de revivre la vague de douleur qui m’avait poussé vers la Russie. Mais justement, cet homme prudent semblait craindre que je ne fusse devenu communiste. Je lui dis que la politique ne m’intéressait pas. Quant à mes six ans de silence, je ne pouvais tout simplement pas les expliquer.
Je crois qu’il est bon de paraître parfois comme un homme faible et vulnérable. Les gens en place sont alors tout heureux de vous protéger. J’insistai même en disant que ce serait le remords de toute ma vie, tout en laissant entendre que ma mère se sentait récompensée par ma vocation sacerdotale. Ainsi, ce vieil homme n’oserait pas faire de la peine à ma mère en lui enlevant la seule joie de ses vieux jours. Évidemment, je ne prononçai pas des paroles aussi imprudentes, je me contentai d’espérer.
Plus le temps passait, plus notre conversation devenait cordiale. J’étais très satisfait et nous nous quittâmes bons amis.
Plusieurs jours passèrent dans le silence, comme si l’Église n’était pas pressée d’avoir un séminariste de plus.
Pour ma part, je travaillais avec ardeur aux prochaines directives qui devaient atteindre le monde entier, via la Russie.
Quand, enfin, je fus convoqué à l’évêché. Et là, la terre s’ouvrit devant moi, car l’évêque me dit tout tranquillement que le religieux pensait que je n’avais pas la vocation.