L'importance du célibat sacerdotal, par le cardinal Hummes -1-
L'importance du célibat sacerdotal, par le cardinal Hummes
Le célibat sacerdotal est véritablement un don précieux du Christ à son Eglise, un don qu'il faut toujours méditer et renforcer à nouveau, en particulier dans le monde d'aujourd'hui, profondément sécularisé.
En effet, les chercheurs indiquent que les origines du célibat sacerdotal nous ramènent aux temps apostoliques. Saint Ignace de la Potterie écrit: "Les chercheurs s'accordent généralement pour dire que l'obligation du célibat ou du moins de la continence est devenu une loi canonique depuis le IV siècle [...]. Mais il est important d'observer que les législateurs des IV et V siècles affirmaient que cette disposition canonique était fondée sur une tradition apostolique. Le Concile de Carthage (en 390) disait par exemple: "Il faut que ceux qui sont au service des mystères divins soient parfaitement continents (continentes esse in omnibus) afin que ce qu'ont enseigné les apôtres et a maintenu l'antiquité elle-même, nous l'observions nous aussi"" (1). Dans le même sens, A. M. Stickler parle d'arguments bibliques en faveur du célibat d'inspiration apostolique (2).
Le Magistère solennel de l'Eglise répète de façon ininterrompue les dispositions sur le célibat ecclésiastique. Le Synode d'Elvira (300-303?) prescrit au canon 27: "Un Evêque, comme tout autre clerc, ne doit avoir auprès de lui qu'une sœur ou une vierge consacrée; il a été établi qu'il ne doit absolument pas avoir auprès de lui une étrangère"; et au canon 33: "Il a été décidé de façon générale l'interdiction suivante aux Evêques, aux prêtres et aux diacres, ainsi qu'à tous les clercs qui exercent un ministère: qu'ils s'abstiennent de leur épouse et n'engendrent pas d'enfants; ceux qui l'auront fait devront être éloignés de l'état clérical" (3).
Le Pape Sirice (384-399), dans la lettre à l'Evêque Imerius de Tarragone, en date du 10 février 385, affirmait: "Le Seigneur Jésus [...] voulait que de la figure de l'Eglise, dont il est l'époux, émane la splendeur de la chasteté [...] nous tous prêtres sommes liés en vertu de la loi indissoluble de ces dispositions [...] afin qu'à partir du jour de notre ordination, nous confions tant nos cœurs que nos corps à la sobriété et à la pudeur, pour plaire au Seigneur notre Dieu dans les sacrifices que nous offrons chaque jour" (4).
Cette nouveauté, ce nouveau chemin est la vie dans la virginité, que Jésus Lui-même a vécue, en harmonie avec sa nature de médiateur entre le ciel et la terre, entre le Père et le genre humain. "En pleine harmonie avec cette mission, le Christ est resté durant toute sa vie dans l'état de virginité, qui signifie son dévouement total au service de Dieu et des hommes" (17). Service de Dieu et des hommes signifie amour total et sans réserves, qui a marqué la vie de Jésus parmi nous. Virginité par amour du Royaume de Dieu!
A présent, le Christ, appelant ses prêtres à être ministres du salut, c'est-à-dire de la nouvelle création, les appelle à être et à vivre en nouveauté de vie, unis et semblables à Lui dans la forme la plus parfaite possible. C'est de cela que découle le don du célibat sacré, comme configuration plus complète avec le Seigneur Jésus et prophétie de la nouvelle création. Il a appelé ses apôtres "amis". Il les a appelés à Le suivre de très près, en tout, jusqu'à la Croix. Et la Croix les conduira à la résurrection, à la nouvelle création accomplie. C'est pourquoi, nous savons que le suivre avec fidélité dans la virginité, qui inclut un sacrifice, nous conduira au bonheur. Dieu n'appelle personne au malheur, mais au bonheur. Toutefois, le bonheur va toujours de pair avec la fidélité. C'est ce qu'a dit le regretté Jean-Paul II aux époux réunis autour de Lui lors de la II Rencontre mondiale des Familles, à Rio de Janeiro.
C'est ainsi que ressort le thème de la signification eschatologique du célibat, en tant que signe et prophétie de la nouvelle création, c'est-à-dire du Royaume définitif de Dieu dans la Parousie, lorsque tous, nous ressusciterons de la mort.
"L'Eglise [...] forme de ce royaume le germe et le commencement sur la terre", comme nous l'enseigne le Concile Vatican II (18). De ces "derniers temps", la virginité, vécue par amour du Royaume de Dieu, constitue un signe particulier, car le Seigneur a annoncé qu'"à la résurrection, [...] on ne prend ni épouse ni époux, mais l'on est comme des anges de Dieu au ciel" (19).
Dans un monde comme le nôtre, monde de spectacle et de plaisirs faciles, profondément fasciné par les choses terrestres, en particulier par le progrès des sciences et des technologies - rappelons les sciences biologiques et les biotechnologies - l'annonce d'un au-delà, c'est-à-dire d'un monde futur, d'une parousie, comme avènement définitif d'une nouvelle création, est déterminant et, dans le même temps, libère des ambiguïtés des apories, des vacarmes, des souffrances et des contradictions, au profit des biens véritables et des nouvelles et profondes connaissances que le progrès humain actuel porte avec lui.
Enfin, la signification ecclésiologique du célibat nous conduit plus directement à l'activité pastorale du prêtre.
L'Encyclique affirme: "La virginité consacrée des ministres sacrés manifeste en effet l'amour virginal du Christ pour l'Eglise et la fécondité virginale et surnaturelle de cette union" (20). Semblable au Christ et dans le Christ, le prêtre épouse de façon mystique l'Eglise, aime l'Eglise d'un amour exclusif. Ainsi, se consacrant totalement aux choses du Christ et de son Corps mystique, le prêtre jouit d'une ample liberté spirituelle pour se placer au service aimant et total de tous les hommes, sans distinction.
"Ainsi en va-t-il du prêtre: en mourant quotidiennement à lui-même, en renonçant, par amour du Seigneur et de son règne, à l'amour légitime d'une famille qui ne soit qu'à lui, il trouvera la gloire d'une vie pleine et féconde dans le Christ, puisque, comme Lui et en Lui, il aime tous les enfants de Dieu et se donne à eux" (21).
L'Encyclique ajoute également que le célibat fait croître l'aptitude du prêtre à écouter la Parole de Dieu et à prier, de même qu'il lui permet de déposer sur l'autel toute sa vie marquée des signes du sacrifice (22).
La valeur de la chasteté et du célibat
Avant d'être une disposition canonique, le célibat est un don de Dieu à son Eglise, c'est une question liée au dévouement total au Seigneur. (….) il ne fait aucun doute qu'il n'existe pas d'autre interprétation et justification du célibat ecclésiastique en dehors du dévouement total au Seigneur, (….) cela présuppose un profond rapport personnel et communautaire avec le Christ, qui transforme le cœur de ses disciples.
Le choix du célibat de l'Eglise catholique de rite latin s'est développé, depuis les temps apostoliques, précisément dans la ligne de la relation du prêtre avec son Seigneur, ayant comme grande icône le "M'aimes-tu plus que ceux-ci?" (23) que Jésus ressuscité adressa à Pierre.
Les raisons christologiques, ecclésiologiques et eschatologiques du célibat, toutes enracinées dans la communion particulière avec le Christ à laquelle le prêtre est appelé, peuvent donc être déclinées de diverses façons selon ce qui est affirmé avec autorité par Sacerdotalis caelibatus.
Avant tout, le célibat est "signe et stimulant de la charité pastorale" (24). Celle-ci représente le critère suprême pour juger de la vie chrétienne sous tous ses aspects; le célibat est une voie de l'amour, même si Jésus lui-même, comme le rapporte l'Evangile selon Matthieu, affirme que tous ne peuvent pas comprendre cette réalité: "Tous ne comprennent pas ce langage, mais ceux-là à qui c'est donné" (25).
Une telle charité se décline dans le double aspect classique d'amour envers Dieu et envers les frères: "En gardant la virginité ou le célibat pour le Royaume des cieux, les prêtres se consacrent au Christ d'une manière nouvelle et privilégiée, il leur est plus facile de s'attacher à lui sans que leur cœur soit partagé" (26). Saint Paul, dans le passage que l'on évoque ici, présente le célibat et la virginité comme "moyens de plaire au Seigneur" sans partage (27): en d'autres termes, une "voie de l'amour" qui présuppose assurément une vocation particulière, et en ce sens c'est un charisme, et qui est en soi excellente, tant pour le chrétien que pour le prêtre.
L'amour radical à l'égard de Dieu devient à travers la charité pastorale amour à l'égard des frères. Dans Presbyterorum ordinis, nous lisons que les prêtres "sont plus libres pour se consacrer, en lui et par lui, au service de Dieu et des hommes, plus disponibles pour servir son royaume et l'œuvre de la régénération surnaturelle, plus capables d'accueillir largement la paternité dans le Christ" (28). L'expérience commune confirme qu'il est plus simple d'ouvrir le cœur à ses frères pleinement et sans réserves pour ceux qui ne sont pas liés par d'autres liens affectifs, aussi légitimes et saints soient-ils, en dehors de celui à l'égard du Christ.
Le célibat est l'exemple que le Christ lui-même nous a laissé. Il a voulu être célibataire. L'Encyclique explique encore: "Le Christ est resté toute sa vie dans l'état de virginité, qui signifie son dévouement total au service de Dieu et des hommes. Ce lien profond qui, dans le Christ, unit la virginité et le sacerdoce, se reflète en ceux à qui il échoit de participer à la dignité de la mission du Médiateur et Prêtre éternel, et cette participation sera d'autant plus parfaite que le ministre sacré sera affranchi de tout lien de la chair et du sang" (29).
L'existence historique de Jésus Christ est le signe le plus évident que la chasteté assumée de façon volontaire par Dieu est une vocation solidement fondée tant sur le plan chrétien que sur celui de la raison humaine.
Si la vie chrétienne commune ne peut se déclarer légitimement telle si elle exclut la dimension de la Croix, l'existence sacerdotale serait d'autant plus incompréhensible si elle était privée de l'optique du Crucifié. La souffrance, et parfois les difficultés et même l'échec, ont leur place dans l'existence d'un prêtre, même si, en dernière analyse, elle n'est pas déterminée par ceux-ci. En choisissant de suivre le Christ dès le premier instant, l'on s'engage à aller avec Lui au Calvaire, conscient que l'acceptation de sa propre croix est l'élément qui qualifie la radicalité de la sequela.
Enfin, comme on l'a dit, le célibat est un signe eschatologique(….).
Tandis que le sacrement du mariage enracine l'Eglise dans le présent, la plongeant totalement dans l'ordre terrestre qui devient ainsi lui-même lieu de sanctification possible, la virginité renvoie immédiatement à l'avenir, à la perfection intégrale de la création qui ne sera réalisée pleinement qu'à la fin des temps.