Naissance de Marie, mère de Jésus Projet de Dieu de toute éternité
-16 Av.J.C
Joachim entra dans la salle où se trouvait le bassin plein d'eau et où on lavait les victimes ; … Je vis un prêtre, appelé Ruben, mépriser ses offrandes ; …Il injuria tout haut le pauvre Joachim, à cause de la stérilité de sa femme, ne le laissa pas approcher, et le relégua dans un coin pour lui faire affront.
(..)
Je vis alors Joachim quitter le temple, accablé de tristesse, et gagner, en passant par Béthanie, les environs de Machéronte. Il y avait là une maison où se rassemblaient les Esséniens, et où il entra pour chercher des consolations et des conseils. ….
VII Anne reçoit la promesse de fécondité, et se rend au temple.
Joachim était si triste et si honteux de l'affront reçu au temple, qu'il ne fit pas dire à Anne où il se trouvait ; mais Anne apprit par d'autres personnes qui s'étaient trouvées présentes ce que son mari avait eu à souffrir, et elle en fut affligée au delà de toute expression. Je la vis souvent pleurer la face contre terre, parce qu'elle ne savait pas où était son mari, qui resta caché pendant cinq mois entiers auprès de ses troupeaux de l'Hermon.
Vers la fin de ce temps, Anne eut un redoublement de souffrance par suite de la grossièreté d'une de ses servantes, qui lui reprochait souvent sa triste situation. Un jour, c'était au commencement de la fête des Tabernacles, cette servante demanda à aller ailleurs célébrer cette fête, et Anne le lui refusa. Alors cette fille lui reprocha si vivement sa stérilité et l'abandon de son mari, qui était, selon elle, une punition de Dieu à cause de sa dureté, qu'Anne ne put plus tolérer son séjour chez elle. Elle la renvoya chez ses parents avec des présents, et leur fit dire qu'ils eussent à reprendre leur fille, parce qu'il lui était impossible de la garder plus longtemps.
Quand Anne eut renvoyé sa servante, elle entra tout affligée dans sa chambre et se mit à prier. Le soir, elle jeta sur sa tête un grand drap, dans lequel elle s'enveloppa tout entière, et s'en alla vers le grand arbre déjà mentionné qui était dans sa cour, et qui formait une cabane de feuillage ; elle alluma une lampe qui était suspendue à l'arbre dans une espèce de boite, et lut des prières écrites sur un rouleau. Cet arbre était très grand et on y avait pratiqué des sièges et des berceaux ; ses branches tombaient à terre de l'autre côté du mur, où elles prenaient racine, repoussaient encore pour retomber de nouveau, et ainsi de suite, en sorte qu'elles formaient toute une série de cabanes de verdure.
Anne, étant sous cet arbre, cria vers Dieu pendant longtemps, le suppliant, puisqu'il lui avait ôté la fécondité, de ne pas tenir en outre éloigné d'elle son pieux époux Joachim. Et voilà qu'un ange du ciel lui apparut : il descendit devant elle comme du haut de l'arbre et lui dit qu'elle devait se consoler, parce que le Seigneur avait exaucé sa prière ; il lui prescrivit de partir le lendemain pour le temple avec deux servantes, et de prendre avec elle des colombes pour le sacrifice. Il ajouta que la prière de Joachim était également exaucée, qu'il se rendrait de son côté au temple avec son offrande, et qu'ils se rencontreraient sous la porte dorée : le sacrifice de Joachim était accepté, tous deux devaient être bénis et elle devait bientôt connaître le nom de son enfant. Il lui dit encore qu'il avait porté à son époux un message semblable, et disparut.
Anne, pleine de joie, rendit grâce au Dieu de miséricorde. Elle rentra alors dans sa maison et prit avec ses servantes les dispositions nécessaires pour pouvoir se mettre en route le lendemain. Je la vis ensuite se coucher pour dormir, après avoir prié.
Quand Anne eut dormi quelque temps, je vis descendre du ciel vers elle un rayon de lumière qui, près de son lit, se transforma en un jeune homme resplendissant. C'était l'ange du Seigneur, qui lui dit qu'elle concevrait un saint enfant. Puis il étendit le bras au-dessus d'elle et écrivit sur le mur de grandes lettres lumineuses : c'était le nom de Marie. L'ange disparut ensuite et se perdit dans la lumière. Anne était pendant ce temps comme dans l'émotion d'un songe joyeux ; elle se releva à demi éveillée sur sa couche, pria avec une grande ferveur et se rendormit sans avoir rien vu bien clairement. Mais, après minuit, elle se réveilla toute joyeuse, comme par l'effet d'une impulsion intérieure, et elle vit l'écriture sur la muraille avec un mélange de crainte et d'allégresse. C'étaient comme des lettres rouges, dorées, lumineuses ; elles étaient grandes et en petit nombre : elle les contempla avec une joie et un attendrissement incroyables, jusqu'au moment où elles disparurent à l'aube naissante. Tout était devenu clair pour elle, et son contentement était tel, qu'elle paraissait toute rajeunie quand elle se leva.
Au moment où la lumière de l'ange vint sur Anne, je vis sous son cœur quelque chose de brillant, et je reconnus dans sa personne la mère choisie, le vase illuminé de la grâce qui s'approchait. Je ne puis exprimer cela qu'en disant que j'ai reconnu en elle un berceau orné, un lit couvert, un tabernacle préparé pour recevoir et conserver dignement une chose sainte. Je vis qu'Anne, par la grâce de Dieu, était préparée à recevoir la bénédiction. Je ne sais comment m'exprimer, mais je reconnus Anne comme le berceau du salut universel pour l'humanité, et en même temps comme un tabernacle d'église ouvert, devant lequel le rideau était retiré. Je reconnus cela aussi naturellement, et toute cette connaissance était à la fois naturelle et céleste. Anne avait alors, à ce que je crois, quarante-trois ans.
Anne se leva, alluma sa lampe, pria et se mit en routa pour Jérusalem avec ses offrandes. Tous ses domestiques étaient, ce matin-là, pleins d'une joie inaccoutumée quoiqu'elle seule eût connaissance de l'apparition de l'ange.
VIII Joachim, consolé par l'ange, vient de nouveau sacrifier au temple.
Je vis, dans ce même temps, Joachim, près de ses troupeaux de l'Hermon, adresser à Dieu des prières continuelles (….).il faisait sa prière et se désespérait à l'idée d'aller, suivant sa coutume, sacrifier à Jérusalem pour la fête, parce qu'il pensait aux outrages qu'il y avait reçus, je vis l'ange lui apparaître et lui ordonner d'aller au temple et de prendre courage, parce que son sacrifice était accueilli et sa prière exaucée : il devait se réunir à sa femme sous la porte dorée. Je vis alors Joachim, tout joyeux, compter ses troupeaux,-oh ! quel beau et nombreux bétail il avait ! -il les divisa en trois parts ; il garda la moindre pour lui, en envoya une meilleure aux Esséniens, et conduisit la plus belle au temple avec ses serviteurs. Il arriva à Jérusalem le quatrième jour de la fête, et se rendit aussitôt au temple.
Anne arriva ce même jour à Jérusalem et logea près du marché aux poissons, chez des parents de Zacharie. Ce ne fut qu'à la fin de la fête qu'elle rencontra Joachim.
Je vis que, quoique l'offrande de Joachim n'eût pas été acceptée la dernière fois, …. Cette fois, les prêtres avaient été avertis d'en haut qu'ils devaient recevoir son offrande, et lorsqu'il fit annoncer son arrivée avec des victimes, j'en vis quelques-uns aller à sa rencontre devant le temple et recevoir ses dons. …… Je vis des prêtres offrir de l'encens dans le sanctuaire ; on alluma aussi des lampes, et il y avait de la lumière sur le chandelier à sept branches, mais ne pas sur les sept branches à la fois. J'ai souvent vu que dans différentes occasions, diverses branches du chandelier étaient allumées.
(…)
Lorsque la fumée de l'encens s'éleva, je vis comme un rayon de lumière tomber sur le prêtre qui l'offrait dans le sanctuaire, et aussi sur Joachim qui était dans la salle extérieure. Il y eut un temps d'arrêt dans la cérémonie, comme si l'on se fût aperçu d'une intervention surnaturelle. Je vis alors deux prêtres, comme poussés par un ordre divin, aller trouver Joachim dans la salle et le conduire, par des chambres latérales, à l'autel d'or des parfums. Alors le prêtre plaça quelque chose sur l'autel. Je vis cela non pas comme des grains d'encens séparés. mais comme une masse compacte ; et je ne sais plus de quoi elle se composait '. Cette masse se consuma, produisant une grande fumée et répandant un parfum agréable sur l'autel d'or de l'encens, devant le voile de Saint des saints. Je vis alors le prêtre quitter le sanctuaire, où Joachim resta seul.
Pendant que l'encens se consumait, je vis Joachim en extase, agenouillé et les bras étendus. Je vis une forme brillante, un ange paraître près de lui, comme plus tard auprès de Zacharie, après la promesse du Précurseur. Il lui donna un écrit sur lequel je lus, en lettres lumineuses, les trois noms d'Helia, d'Hanna et de Miriam 2, et, près de ce dernier nom, je vis l'image d'une petite arche d'alliance ou d'un tabernacle. Il plaça cet écrit sous ses habits, sur sa poitrine. L'ange lui dit que sa stérilité n'était pas pour lui une honte, mais une gloire, car ce que sa femme allait concevoir devait être le fruit immaculé de la bénédiction de Dieu sur lui, et le couronnement de la bénédiction d'Abraham.
1 C'était sans doute un mélange formé des ingrédients qui, suivant la tradition légale des Juifs, appartenaient au sacrifice journalier de l'encens, comme la myrrhe, la casse, le nard, le safran, le calmus odorant, la cannelle, le costus, le galbanum et l'encens mêlés avec du sel raffiné.
2 Au commencement, l'écrivain ne savait pas que ces trois mots n'étaient que d'autres formes des noms de Joachim, d'Anne et de Marie. Quand il apprit cela plus tard, il ne put s'empêcher d'en être frappé.
Comme Joachim ne pouvait pas comprendre cela, l'ange le conduisit derrière le rideau, qui était assez éloigné de la grille du Saint des saints pour qu'on pût s'y placer ; je vis l'ange s'approcher de l'Arche d'alliance, et il me sembla qu'il en retirait quelque chose. Je le vis alors présenter à Joachim un globe ou un cercle lumineux et lui ordonner d'y souffler et d'y regarder. Je vis, sous le souffle de Joachim, diverses images se montrer dans le cercle lumineux. Comme son haleine ne l'avait pas terni, l'ange lui dit que la conception d'Anne serait aussi pure que ce globe était resté pur sous son souffle.
Je vis ensuite l'ange élever le globe lumineux, qui resta suspendu en l'air, et j'y vis, comme par une ouverture' une série de tableaux liés ensemble et s'étendant de la chute de l'homme à sa rédemption. Il y avait là tout un monde où les choses naissaient les unes des autres : j'eus connaissance de tout, mais je ne puis plus donner les détails. Au haut, tout au sommet, je vis la très sainte Trinité ; au-dessous, d'un côté le paradis, Adam et Ève, la chute originelle, la promesse de la rédemption, toutes les figures qui l'annonçaient d'avance, Noé, le déluge, l'Arche, la bénédiction donnée à Abraham, la transmission de la bénédiction à son fils Isaac, et d'Isaac à Jacob ; puis, quand elle fut retirée à Jacob par l'ange avec lequel il lutta, comment elle passa à Joseph, en Égypte, et se montra dans lui et sa femme avec un plus haut degré de dignité ; puis comment la chose sainte où reposait la bénédiction, enlevée d'Égypte par Moise avec les reliques de Joseph et d'Asnath, sa femme, devint le Saint des saints de l'Arche d'alliance, le siège du Dieu vivant au milieu de son peuple ; puis je vis le culte et la vie du peuple de Dieu dans leurs rapports avec ce mystère, les dispositions et les combinaisons pour le développement de la race sainte, de la lignée de la sainte Vierge, ainsi que toutes les figures et les symboles de Marie et du Sauveur dans l'histoire et dans les prophètes. Je vis tout cela en tableaux symboliques, dans la circonférence lumineuse, je vis de grandes villes, des tours, des palais, des trônes, des portes, des jardins, des fleurs, et toutes ces images merveilleusement liées entre elles comme par des ponts de lumière : tout cela était comme attaqué et assailli par des bêtes furieuses et d'autres apparitions terribles. Tous ces tableaux faisaient voir comment la race de la sainte Vierge, de même que tout ce qui est saint, avait été conduite par la grâce de Dieu à travers beaucoup de combats et d'assauts. Je me souviens d'avoir vu, à un certain point de cette série de tableaux, un jardin entouré d'une forte haie d'épines, à travers laquelle une quantité de serpents et d'autres bêtes hideuses s'efforçaient en vain de passer. Je vis aussi une forte tour, à l'assaut de laquelle montaient de tous côtés des guerriers qui étaient précipités du haut des remparts. Je vis beaucoup d'images de ce genre qui se rapportaient à l'histoire de la sainte Vierge dans ses ancêtres : les passages et les ponts qui unissaient le tout signifiaient la victoire remportée sur des obstacles et des interruptions apportées à l'œuvre du salut.
Il semblait qu'une chair sans tache, un sang de toute pureté, avaient été placés par Dieu au milieu de l'humanité, comme dans un fleuve d'eau trouble, et devaient, avec beaucoup de peine et d'efforts, réunir leurs éléments dispersés, pendant que le fleuve tâchait de les attirer à lui et de les ternir ; mais enfin, avec l'aide des grâces innombrables de Dieu et de la coopération fidèle des hommes, cela devait, après bien des obscurcissements et des purifications, subsister dans le fleuve, qui renouvelait sans cesse ses flots, et s'élever enfin hors de ce fleuve, sous la forme de la sainte Vierge, de laquelle est né le Verbe fait chair qui a habité parmi nous.
Parmi les images que je vis dans le globe lumineux, il y en avait beaucoup qui se trouvent mentionnées dans les Litanies de la sainte Vierge ; je les vois, je les comprends, et je les considère avec une profonde vénération quand je récite ces litanies. Ces tableaux se développaient ultérieurement jusqu'à l'accomplissement parfait de l'œuvre de la miséricorde divine envers l'humanité tombée dans une division et un déchirement infinis : ils allaient du côté du globe lumineux opposé à celui où était le Paradis, aboutir à la Jérusalem céleste', au pied du trône de Dieu. Lorsque j'eus vu tout cela, le globe lumineux, lequel n'était autre chose que la série de tableaux, partant d'un point et y revenant après avoir formé un cercle de lumière, s'évanouit. Je crois que ce fut une révélation qui fut faite à Joachim par les anges, sous forme de vision, et dont j'eus aussi connaissance. Quand je reçois une communication de ce genre, elle m'apparaît toujours dans une circonférence lumineuse.
La vénérable Marie de Jésus, supérieure des Franciscaines d'Agreda, raconte, dans ses visions sur la vie de la sainte Vierge, comment il lui lut expliqué que la nouvelle ou céleste Jérusalem (Apoc., XXII) n'était autre que la sainte Vierge elle-même. voyez la Cité mystique de Dieu, 1ère partie, ch. 17 et 18.-Saint Jean Chrysostome, dans son discours pour la fête de l'Annonciation, fait ainsi parler Dieu à l'ange Gabriel : " va vers la cité vivante dont le Prophète dit : Des choses glorieuses ont été dites de toi, cité de Dieu ". ( Ps. LXXXVI.) Saint Georges, évêque de Nicomédie (septième siècle), dans son discours sur la Présentation de Marie, appelle la sainte Vierge la cité vivante de Dieu. etc. Dans le petit office de la très sainte Vierge, l'antienne du psaume LXXVI est ainsi conçue : Sicut loetantium omnium nostrûm habitatio est in te, sancta Dei genitrix, quoique ce verset, pris dans le sens littéral, s'applique à Jérusalem, etc.
IX Joachim reçoit la bénédiction de l'Arche d'alliance.
Je vis ensuite l'ange marquer ou oindre le front de Joachim avec le pouce et l'index, puis lui faire manger d'un aliment lumineux et lui faire boire d'un liquide transparent contenu dans une petite coupe brillante qu'il tenait avec deux doigts. Elle était de la forme du calice de la sainte Cène, mais n'avait pas de pied. Il me sembla qu'il lui entrait alors dans la bouche comme un petit épi de blé et une petite grappe de raisin lumineux, et je connus par là que la concupiscence et l'impureté, suite du péché, étaient sorties de lui.
Je vis ensuite l'ange communiquer à Joachim le plus haut degré et comme la plus sainte fleur de cette bénédiction que Dieu avait communiquée a Abraham. et qui plus tard était devenue l'objet le plus sacré de l'Arche d'alliance. Il donna cette bénédiction à Joachim de la même manière que dans une autre occasion j'avais vu Abraham la recevoir d'un ange, mais avec cette différence que pour Abraham l'ange avait semblé tirer la bénédiction de lui-même, comme de son sein, tandis que pour Joachim, il la prit dans le Saint des saints'.
Lors de la bénédiction d'Abraham, ce fut comme si Dieu mettait en lui la grâce de cette bénédiction, et bénissait par elle le père de son peuple futur, afin que les pierres dont son temple devait être bâti sortissent de lui ; mais lorsque Joachim la reçut, ce fut comme si l'ange tirait du tabernacle de ce temple le symbole sacré de la bénédiction et le donnait à un prêtre, pour faire de lui le vase saint dans lequel le Verbe devait être fait chair.
Il me fut révélé que Joachim, avec cette bénédiction, reçut le fruit définitif et l'accomplissement proprement dit de la promesse faite à Abraham, la bénédiction dont devait résulter la conception immaculée de la très sainte Vierge, destinée à écraser la tête du serpent.
L'ange reconduisit ensuite Joachim dans le sanctuaire et disparut. Joachim, ravi en extase, tomba sans connaissance. Les prêtres, en rentrant, le trouvèrent là, le visage rayonnant de joie. Ils le relevèrent avec respect, et le portèrent sur un siège où d'ordinaire les prêtres seuls s'asseyaient. Ils lui lavèrent là le visage, lui tinrent sous le nez quelque chose qui répandait une odeur fortifiante, lui donnèrent à boire, et firent pour lui ce qu'on fait pour quelqu'un qui a perdu connaissance. Quand Joachim fut revenu à lui, il parut lumineux, plein de force et comme rajeuni.
Note La narratrice qui, en communiquant ses nombreuses visions de l'Ancien Testament, a souvent parlé avec détail de l'Arche d'alliance, n'a jamais dit que la première arche ait été de nouveau, avec tout ce qu'elle contenait, dans le temple rebâti après la captivité de Babylone, ou, plus tard, dans celui qu'Hérode restaura. Cependant elle a dit que dans le Saint des saints du dernier temple, il y avait une nouvelle arche d'alliance où étaient conservés quelques restes des symboles sacrés de la première.
Joachim avait été conduit dans le sanctuaire par suite d'un avertissement d'en haut. Il fut conduit par suite d'une inspiration semblable dans un passage consacré qui conduisait sous le temple et sous la porte dorée. Il m'a été communiqué quelque chose sur la signification et l'origine de ce passage, et aussi sur sa destination, mais je ne puis plus le rapporter clairement. Je crois que l'usage de ce passage se rattachait à une cérémonie religieuse qui avait lieu pour la réconciliation et la bénédiction des personnes stériles. On était conduit par ce chemin, dans certaines circonstances, pour des purifications, des expiations, des absolutions et autres choses de ce genre.
Les prêtres conduisirent Joachim à ce passage par une petite porte voisine de la cour où l'on immolait les victimes ; après quoi ils s'en retournèrent. Joachim continua à Suive ce chemin, qui allait en descendant.
Anne était aussi venue au temple avec sa servante, qui portait les colombes du sacrifice dans des corbeilles à jour. Elle avait remis son offrande et fait connaître à un prêtre que l'ange lui avait ordonné d'aller trouver son mari sous la porte dorée. Je vis alors que les prêtres, en compagnie de femmes respectables, parmi lesquelles se trouvait, je crois, la prophétesse Anne, la conduisirent a une autre entrée du passage consacré, où ils la laissèrent seule.
Je vis la manière merveilleuse dont était disposé ce passage. Joachim entra par une petite porte après laquelle on allait en descendant. Le passage était d'abord étroit, puis il s'élargissait. Les murs brillaient d'un reflet doré et vert ; une lumière rougeâtre y entrait par en haut. J'y vis le belles colonnes semblables à des arbres et à des ceps de vigne ornés de guirlandes.
Quand Joachim fut arrivé au tiers à peu près de la longueur du passage, il s'arrêta à un endroit où s'élevait une colonne faite comme un palmier, avec ses branches pendantes et ses fruits ; ce fut là qu'Anne, toute rayonnante de joie, vint à sa rencontre. Ils s'embrassèrent dans un mouvement de sainte allégresse et se communiquèrent leur bonheur. Ils étaient ravis en extase et entourés d'une nuée brillante. Je vis cette lumière partir d'une troupe d'anges, qui, portant comme une haute tour lumineuse, planaient sur Anne et Joachim. Cette tour était faite comme la tour de David, la tour d'ivoire, etc., que je vois à l'occasion des Litanies de la sainte Vierge. Elle sembla disparaître entre Anne et Joachim, et une gloire lumineuse les entoura.
Je reconnus alors que, par l'effet d'une grâce toute particulière de Dieu, la conception de Marie avait été aussi pure que l'aurait été toute conception sans le péché originel. J'eus en même temps une intuition que je ne puis rendre. Le ciel s'ouvrit au-dessus d'eux ; je vis la joie de la sainte Trinité et des anges et la part qu'ils prenaient à la bénédiction mystérieuse accordée aux parents de Marie.
Anne et Joachim marchèrent en louant Dieu jusqu'à la sortie sous la porte dorée. Le chemin, à son extrémité, allait en remontant. Ils passèrent sous une grande et belle arcade, et se trouvèrent dans une espèce de chapelle où étaient plusieurs flambeaux allumés. Ils furent reçus là par des prêtres, qui les conduisirent dehors.
La partie du temple où était la salle du grand conseil se trouvait au-dessus du passage souterrain, un peu au delà du milieu ; au dessus de son extrémité étaient, je crois, des logements pour les prêtres chargés du soin des vêtements sacerdotaux.
Joachim et Anne arrivèrent à une espèce d'échancrure au bord extrême de la montagne du temple, vis-à-vis de la vallée de Josaphat. On ne pouvait pas aller plus loin dans cette direction ; le chemin tournait à droite ou à gauche' ils firent encore une visite dans la maison d'un prêtre ; puis je les vis avec leurs gens reprendre le chemin de leur demeure. Arrivé a Nazareth, Joachim fit un festin de réjouissance, donna à manger à beaucoup de pauvres et répandit de grandes aumônes. Je vis la joie, la ferveur des deux époux. leur reconnaissance envers Dieu en pensant à sa miséricorde envers eux ; je les vis souvent prier ensemble les yeux baignés de larmes.
Il me fut expliqué, à cette occasion, que les parents de la sainte Vierge l'engendrèrent dans une pureté parfaite et par l'effet de la sainte obéissance. Si ce n'eût été pour obéir à Dieu, ils auraient gardé perpétuellement la continence. J'appris en même temps comment la pureté, la chasteté, la retenue des parents et leur lutte contre le vice impur ont une influence incalculable sur la sainteté des enfants qu'ils engendrent. En général, je vis toujours dans l'incontinence et l'excès la racine du désordre et du péché.
XI Restauration de l'humanité montrée aux anges.
Ici viennent diverses visions de la sœur Emmerich, qu'elle communiqua à diverses époques lors de ses méditations annuelles pendant l'octave de la Conception de la sainte Vierge. Elles ne présentent pas une série continue sur la vie de Marie, mais elles jettent partout une lumière particulière sur l'élection et la préparation de ce vase de la grâce. Comme elle les a racontées au milieu de beaucoup de troubles et de souffrances, on ne sera pas étonné qu'elles paraissent sous forme de fragments.
Dans la nuit du 2 au 3 septembre l821, Anne Catherine, alors gravement malade, eut des visions très étendues sur la fête des Anges gardiens, ainsi que sur la nature des anges et les hiérarchies célestes en général. Mais, assaillie par beaucoup de souffrances, d'épreuves et de peines de toute espèce, elle n'en communiqua qu'une petite partie et à bâtons rompus. On donne ici ce qu'on a pu obtenir d'elle après des interrogations répétées.
Je vis un tableau merveilleux : c'était Dieu qui, après a chute de l'homme, montrait aux anges comment il roulait régénérer le genre humain. A la première vue, je ne compris pas ce tableau, mais bientôt il devint clair pour moi.
Je vis le trône de Dieu. la très sainte Trinité et comme un mouvement en Elle. Je vis les neuf chœurs des anges auxquels Dieu annonçait de quelle manière il voulait régénérer l'humanité déchue. Je vis, à cette annonce , une jubilation indicible parmi les anges.
Le développement des desseins de miséricorde de Dieu sur l'homme me fut montré dans divers tableaux symboliques. Je vis ces tableaux apparaître au milieu des neuf chœurs angéliques et se suivre comme une sorte d'histoire. Je vis les anges coopérer à ces tableaux, les protéger et les défendre. Je ne puis plus en rapporter la suite avec certitude ; je dirai avec l'aide de Dieu ce que j'en ai retenu.
Je vis devant le trône de Dieu une montagne comme de pierres précieuses : elle croissait et s'étendait sans cesse ; elle avait des degrés et ressemblait à un trône, puis elle prenait la figure d'une tour. Sous cette forme, elle renfermait dans son enceinte tous les trésors spirituels, tous les dons de la grâce. Les neuf chœurs des anges l'environnaient. Je vis à l'un des côtés de cette tour, comme sur un petit rebord formé par une nuée dorée, paraître des ceps de vigne et des épis de blé, qui s'entrelaçaient comme les doigts de deux mains jointes. Je ne pourrais pas bien déterminer à quel moment de la vision prise dans son ensemble, j'ai vu cela.
Je vis apparaître, dans le ciel, une figure semblable une vierge. qui entra dans la tour et se fondit pour ainsi dire avec elle. La tour était très large et aplanie par en haut ; il me sembla qu'il y avait par derrière une ouverture par laquelle entra la Sainte Vierge Marie dans le temps, c'était elle dans l'éternité en Dieu'. Je vis son apparition se produire devant la sainte Trinité de la même manière que l'haleine se condense devant la bouche en une petite vapeur '. Je vis aussi une apparition sortir de la sainte Trinité vers la tour. Dans ce moment, je vis au milieu des chœurs des anges paraître comme un tabernacle du saint Sacrement. Les anges semblaient tous y travailler, et il avait la forme d'une tour entourée d'images symboliques de toute espèce. Il y avait à côté deux figures qui se tendaient la main derrière lui. Ce vase spirituel paraissait s'accroître continuellement et devenait toujours plus magnifique et plus riche.
Je vis alors quelque chose sortir de Dieu et passer à travers les neuf chœurs des anges ; cela me parut semblable à une nuée lumineuse qui devenait de plus en plus distincte à mesure qu'elle approchait de ce tabernacle de sainteté dans lequel enfin elle entra.
Autant que je puis le comprendre, c'était une bénédiction substantielle de Dieu qui se rapportait à la continuité d'une lignée pure et sans péché et pour ainsi dire à la production de rejetons purs. Je vis enfin cette bénédiction, sous la forme d'une fève brillante. entrer dans le tabernacle, après quoi celui-ci se perdit lui-même dans la tour.
Voyez le capitule des vêpres de l'office de la très sainte Vierge, tiré de l'Ecclésiastique, XXIV : Ab initio et ante secula crenta sum, et jusque ad futurum secuium non desinam.
Comparez le texte consacré par l'application que l'Église en fait depuis longtemps à Marie : Ego ex ore Altissimi prodivi primogenita ante omnem creaturam ; ego feci in coelis ut oriretur lumen indeficiens. Thronus meus in columna nubis, etc. Eccli., XXIV, 7.
3 La narratrice, dans le cours de ses nombreuses contemplations, moitié historiques, moitié symboliques, sur l'Ancien et le Nouveau Testament, fit sur cette bénédiction plusieurs communications, dont nous présenterons ici quelques-unes dans un ordre chronologique. " " Ce fut, dit-elle, cette bénédiction avec laquelle et par laquelle Eve fut tirée du côte droit d'Adam. Je la vis retirée à Adam par la providence miséricordieuse de Dieu lorsqu'il était au moment de consentir au péché. Abraham la reçut de nouveau par le ministère des anges, après l'institution de la circoncision, en même temps que la promesse de la naissance d'Isaac. Elle fut transmise par lui dans une cérémonie solennelle et sacramentelle son premier-né Isaac, et par celui-ci à Jacob. Cette bénédiction fut enlevée à Jacob par l'ange qui lutta avec lui, et elle passa à Joseph, en Egypte. Enfin elle fut prise de nouveau par Moïse, dans la nuit de la sortie d'Egypte, enlevée avec les ossements de Joseph, et elle fut ensuite placée dans l'Arche comme le trésor sacré du peuple de Dieu ".
Ce n'était pas sans scrupule et sans inquiétude que nous avions rédigé, pour les livrer à l'impression, ces explications de la sœur, lorsque nous apprîmes que, dans le livre appelé Sohar (qui a été rédigé dans le second siècle de l'ère chrétienne, mais qui contient des paroles beaucoup plus anciennes), on retrouve, presque mot pour mot, ce qu'elle dit ici et ailleurs sur le mystère de l'ancienne arche d'alliance. Un lecteur familiarisé avec la langue chaldéenne peut s'en convaincre en lisant, par exemple, les textes suivants : Par Toledoth, p. 340 ; ibid., p. 335 ; Béreschith, p. 155 ; T'rurrab. 251, etc.
Je vis les anges jouer un rôle actif dans une partie de ces apparitions. Une série de tableaux s'éleva aussi de l'abîme ; c'étaient comme des images d'illusion et de mensonge : je vis les anges agir contre elles et les faire disparaître. J'ai vu et oublié beaucoup de choses de ce genre.
Il y avait dans tous ces tableaux une merveilleuse liaison ; l'ensemble de cette vision était singulièrement riche et significatif. Même les apparitions ennemies, fausses, mauvaises, de tours, de calices, d'églises qui étaient rejetées de côté, devaient servir au développement de l'œuvre du salut.
Pendant ces récits, elle revenait toujours sur l'inexprimable joie des anges. L'ensemble de ces fragments n'a pas de conclusion proprement dite : cela semble une série de tableaux symboliques relatifs à l'histoire de la rédemption. Elle disait à ce sujet : " J'ai vu d'abord les représentations figuratives de l'œuvre de la rédemption au milieu des neuf chœurs des anges, et ensuite une série de tableaux depuis Adam jusqu'à la captivité de Babylone ".
XII Elie voit une image figurative de la sainte Vierge.
Je vis toute la terre promise privée de pluie, desséchée et languissante, et je vis Élie monter au mont Carmel avec deux serviteurs, pour demander de la pluie à Dieu. Ils montèrent d'abord sur un haut escarpement, puis, par des degrés grossièrement taillés dans le roc, jusqu'à une terrasse, puis encore de nouveaux degrés, et ils arrivèrent enfin à une plate-forme assez grande, sur laquelle était un monticule de rochers où se trouvait une grotte. Elie monta jusqu'au haut de ce monticule. Il laissa ses serviteurs au bord de la plate-forme, et ordonna à l'un d'entre eux de regarder la mer de Galilée. Celui-ci parut tout consterné à cette vue, car le lac était entièrement desséché, plein de trous et d'excavations, couvert de vase et d'animaux pourris.
Elie s'accroupit, mit sa tête entre ses genoux, se voila, pria avec ardeur vers Dieu, et sept fois de suite il demanda à haute voix à son serviteur s'il ne voyait pas une nuée monter de la mer. A la septième fois, je vis le nuage monter, et quand le serviteur l'annonça au prophète, celui-ci l'envoya au roi Achab.
Je vis, au milieu de la mer, se former comme un tourbillon de couleur blanche, duquel sortait un petit nuage noir, qui se déploya et s'étendit. Dans ce petit nuage je vis, dès le commencement, une petite figure brillante, semblable à une vierge ; je vis aussi Élie l'apercevoir dans la nuée qui s'élargissait. La tête de cette vierge était entourée de rayons ; elle étendait ses bras en croix, et tenait à l'une de ses mains comme une couronne de victoire. Son long vêtement était comme attaché sous ses pieds. Elle parut dans le nuage qui grandissait, et sembla s'étendre sur toute la terre promise.
Je vis ce nuage se diviser ; en certains endroits sainte et sanctifiés, et là où habitaient des hommes pieux et aspirant au salut, il laissait comme de blancs tourbillons de rosée. Ces tourbillons avaient sur leurs bords toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, et je vis au milieu la bénédiction se concentrer comme pour former une perle dans sa coquille. Il me fut expliqué que c'était une figure prophétique, et que dans les lieux bénis ou le nuage avait laissé ces tourbillons, il y eut réellement coopération à la manifestation de la sainte Vierge'.
L'humanité, avant Jésus-Christ, était comme un sol desséché qui aspirait après lui pour pouvoir donner des fruits Elle demandait que sa soif fut apaisée, non seulement par des grâces spirituelles, mais encore par la justice incarnée Jésus-Christ n'était pas seulement le fruit et le rejeton de Dieu et de la terre (Isaie, IV, 2 ; Jérém., XXIII 5 , XXXIII, 15 ; Zach., III, 8 ; VI, 12), il était aussi une pluie et une rosée destinée à faire naître des fruits semblables à lui. Car David prophétise en ces termes : "il descendra comme la pluie sur la prairie, comme les gouttes qui humectent la terre. Dans ces jours-là, les justes fleuriront : le moment sera épais dans le pays, sur la cime des montagnes (c'est-à-dire, d'après l'explication de la traduction chaldaique, dans l'Église) ; ils s'accroîtront dans les villes comme l'herbe de la terre. "(Ps. LXXI, 6, 18) Isaie s écrie aussi : " Cieux, répandez d'en haut 1rotre rosée, et que les nuées pleuvent le juste ". (Ps. LX, 8) Cette pluie se perpétue sous une autre forme par la communication multipliée du saint Sacrement, dont la manne était la figure. Aussi l'ancien commentaire hébraïque Breschith rabba, à propos du texte où Isaac promet à Jacob, comme bénédiction, la rosée du ciel. (Parasha 65, dans l'édition publiée à Constantinople sous Soliman), remarque que, par cette rosée, il faut entendre la manne, de même que par le froment et le vin (nourris par la rosée), il faut entendre une postérité de jeunes gens et de jeunes filles. (Sur la Genèse, XXVII, 28, comparez Zacharie, IX, 17). O ne doit point s'étonner si, dans les écrits juifs postérieurs le Messie est montré comme une rosée. Dans le Talmud (Tannith dist maimathi maskirin) Rabbi Barachia parle ainsi : "La maison d'Israël a adressé à Dieu une prière indiscrète : qu'il vienne à nous, a-t-elle dit, comme une pluie du matin, comme une pluie du soir qui recouvre la terre. (Osée, VI, 3.) Alors Dieu lui a dit : Tu demandes une chose qui tantôt est obtenue, tantôt ne l'est pas ; mais je serai pour toi une chose qui sera obtenue : je serai pour Israël une rosée, et il fleurira comme un lis (Osée, XIV, 4.) L'allusion au Messie est plus claire dans le Talmud de Jérusalem. (Tract. b'rachot., c. 5;), lorsqu'il rapporte à cette même idée le psaume sur le sacerdoce du Rédempteur. Il explique les paroles : La rosée de la naissance vient du sein de l'aurore (dans la Vulgate : Ex utero ante luciferum genui te, Ps. CIX, en les rapprochant du texte suivant de Michée : Comme une rosée qui vient du Seigneur, combien de gouttes d'eau sur l'herbe, que n'attendent pas l'homme et ne dépendent pas des enfants des hommes. (Michée, V, 7.) La nuée mystérieuse d'Elie, figure de la créature élue qui devait contenir et apporter cette pluie, laquelle, tombée d'abord de la croix et depuis s'épanchant à jamais du sacrement de l'autel, rafraîchit la terre desséchée, cette nuée monte de la mer de Galilée ; ce qui est parfaitement convenable, puisque c'est de cette mer et de ses bords que la rosée de la doctrine et des bienfaits de Jésus-Christ s'est répandue avec tant d'abondance et d'efficacité sur la pauvre humanité. Même alors, quand il enseignait à Capharnaum (Joan., VI) qu'il était la vraie rosée céleste, la vraie manne r le pain de vie dans le Saint Sacrement, il était immédiatement auparavant venu miraculeusement sur la mer comme une nuée, et il versait la bénédiction de la grande promesse dans les cœurs de ses auditeurs. Nous nous souvenons d'avoir lu dans un vieil écrit rabbinique que le Messie devait monter de la mer de Galilée ; mais nous ne pouvons, pour le moment, citer exactement le passage, que nous reproduirons en son lieu quand nous l'aurons retrouvé. Nous trouvons pourtant dans un vieux commentaire hébraïque sur les Psaumes (Midrach Thilim f 4 Lightfoot centur. chronogr., c. 70) les paroles suivantes : " J'ai crée sept mers, dit Dieu, mais je n'ai choisi entre toutes que celle de Genezareth ".
Je vis ensuite un songe prophétique où, pendant l'ascension de la nue, Élie apprit plusieurs mystères relatifs à la sainte Vierge ; malheureusement, au milieu de tant de choses qui nie troublent et me distraient' j'en ai oublié le détail exact, ainsi que bien d'autres choses. Élie connut, entre autres choses, que Marie devait naître dans le septième âge du monde ; c'est pour cela qu'il appela sept fois son serviteur. Il vit aussi de quelle race elle sortirait.
Je vis une autre fois Élie élargir la grotte au-dessus de laquelle il avait prié, et établir une organisation plus régulière parmi les enfants des prophètes : quelques-uns de ceux-ci priaient habituellement dans Cette grotte pour demander la venue de la sainte Vierge, et l'honoraient déjà avant sa naissance. Je Vis que cette dévotion à la sainte Vierge se perpétua sans interruption, qu'elle subsistait encore, grâce aux Esséniens, quand Marie était déjà sur la terre, et que plus tard elle continua à être pratiquée par des ermites, desquels sortirent enfin les religieux du Carmel.
XIII Eclaircissements sur la précédente vision d'Élie.
Quand la narratrice communiqua plus tard ses contemplations sur l'époque de saint Jean-Baptiste, elle vit de nouveau la vision relative à Elie, avec quelques détails sur l'état où se trouvaient alors le pays et ses habitants. Nous donnons ce qui suit comme pouvant éclaircir ce qui a été dit précédemment.
Je vis un grand mouvement à Jérusalem, près du temple ; c'étaient des gens qui délibéraient, qui écrivaient avec des plumes de roseau, qui envoyaient des messagers dans le pays. On priait, on invoquait Dieu pour avoir de la pluie ; on faisait chercher Elie partout. Je vis aussi Élie dans le désert, nourri et désaltéré par un ange. Je vis tous les rapports du prophète avec Achab, le sacrifice sur le Carmel, la mort des prêtres des idoles, sa prière pour la pluie et l'arrivée des nuages.
Je vis, outre la sécheresse de la terre, une grande stérilité chez les hommes et un certain abâtardissement. Je vis qu'Élie appela par sa prière la bénédiction qui produisit la nuée, et qu'il dirigeait et répartissait les nuages et la pluie d'après des intuitions intérieures, sans quoi il y aurait eu peut-être une inondation destructive. Il demanda sept fois à son serviteur s'il voyait la nuée : cela fait allusion à sept âges du monde et à sept générations qui devaient s'écouler jusqu'au temps où la bénédiction véritable, dont cette nuée de bénédiction n'était que la figure, prendrait fortement racine dans Israël ; il vit même dans la nuée qui s'élevait une image de la sainte Vierge et connut plusieurs mystères qui se rapportaient à sa généalogie et à sa venue'.
I Dans l'office de la Conception de Marie, et ailleurs, dans les livres liturgiques de l'Eglise, l'emploi du verset de l'Ecclésiastique (XXIV, 6) : Sicut nebula lexi omnem terram se trouve en parfaite concordance avec cette vision prophétique sur la mère de Dieu.
Je vis, par l'effet de la prière d'Élie, la bénédiction descendre d'abord sous forme de rosée.- La nuée s'abaissait ; il s'en détachait des flocons blancs, lesquels formaient des tourbillons dont les bords étaient de la couleur de l'arc-en-ciel, et se résolvaient enfin en gouttes d'eau qui tombaient sur la terre. Je reconnus aussi là quelque chose qui se rapportait à la manne du désert ; mais la manne, le matin, était par terre, compacte et cassante, et on pouvait l'empaqueter. Je vis ces tourbillons de rosée aller le long du Jourdain et s'arrêter, non pas partout, mais ça et là à certaines places. Je vis spécialement à Ainon, en face de Salem, et à l'endroit où eut lieu plus tard le baptême de Notre Seigneur, descendre de ces tourbillons brillants. Je demandai aussi ce que signifiaient leurs bords aux couleurs varices, et cela me fut expliqué par l'exemple d'une coquille marine, qui a aussi des rebords aux couleurs brillantes, et qui, s'exposant au soleil, attire à elle la lumière et la dégage des couleurs, jusqu'à ce qu'au milieu d'elle naisse la perle dans toute sa pureté et sa blancheur. Il me fut montré que cette rosée et la pluie qui lui succédait étaient quelque chose de plus que ce qu'on entend ordinairement par un rafraîchissement de la terre.
J'eus la perception distincte que sans cette rosée la venue de la sainte Vierge aurait été différée d'au moins un siècle, tandis que, par suite de l'amélioration et de la bénédiction de la terre, les races qui vivent de ses fruits furent aussi restaurées et ranimées, et la chair recevant la bénédiction s'ennoblit.
Je vis aussi comment alors la terre et la chair étaient altérées et aspiraient après la pluie, comme plus tard les hommes et l'esprit aspiraient au baptême de Jean. Tout ce tableau représentait à l'avance l'avènement de la sainte Vierge, et en outre l'état du peuple à l'époque de saint Jean-Baptiste. Leur anxiété d'alors, leur ardeur languissante, leur désir de la pluie et d'Élie, et pourtant la persécution de celui-ci, rappelaient l'ardeur avec laquelle, plus tard, le peuple cherchait le baptême et la pénitence, et aussi l'aveuglement de la synagogue et l'envoi de ses ambassadeurs auprès de Jean.
XIV Figure prophétique de la Sainte Vierge en Égypte.
Je vis en Égypte ce message de salut apporté de la manière suivante : je vis qu'Élie devait faire rassembler de trois contrées, à l'Orient, au Nord et au Midi, de pieuses familles dispersées, et qu'il chargea de cette mission trois disciples des prophètes. Il ne les envoya qu'après avoir reconnu par un signe demandé à Dieu quels étaient ceux qui convenaient pour cela, car c'était une tâche périlleuse, et il fallait choisir des messagers intelligents, afin qu'ils ne fussent pas mis à mort. L'un d'eux alla vers le Nord, l'autre vers l'Orient, le troisième vers le Midi. Celui-ci avait à faire un long voyage à travers l'Egypte, où les Israélites avaient des risques particuliers à courir. Ce messager suivit le chemin que la sainte Famille prit lors de sa fuite en Egypte ; je crois aussi qu'il passa dans le voisinage de la ville d'On, où l'enfant Jésus se réfugia. Je le vis, dans une grande plaine, arriver près d'un temple d'idoles, qui était dans une prairie, et entouré de diverses autres idoles. On adorait là un taureau vivant. Il y avait dans le temple une figure de taureau et plusieurs autres idoles. On faisait là d'horribles sacrifices et on immolait des enfants mal conformés.
Les habitants du pays saisirent le disciple des prophètes et le conduisirent devant leurs prêtres. Heureusement ils étaient très curieux, sans cela ils l'auraient égorgé. Ils lui demandèrent d'où il était et ce qui l'amenait chez eux. Il leur dit sans hésiter qu'il devait naître une vierge de laquelle sortirait le salut du monde, et qu'alors ils briseraient toutes leurs idoles'.
Saint Epiphane, dans son livre sur la Vie des Prophètes, dit de Jérémie : "Ce prophète donna un signe aux prêtres égyptienne, et Leur annonça que toutes leurs idoles tomberaient en morceaux quand une Vierge mère, avec son enfant divin, entrerait en Egypte. Et cela arriva ainsi ; c'est pourquoi, encore aujourd'hui, ils adorent une Vierge mère et un enfant couché dans une crèche. Quand le roi Ptolémée leur en demanda la cause, ils répondirent : " C'est un mystère que nous avons reçu de nos pères, auxquels il a été annoncé par un saint prophète' et nous en attendons l'accomplissement ". (Epiphan., t. II, p. 240.) Toutefois le disciple d'Elie, mentionné plus haut, ne peut pas être Jérémie, puisque celui-ci vécut trois siècles plus tard.
Ils s'étonnèrent de ce qu'il annonçait, en parurent très émus, et le laissèrent aller sans lui faire de mal. Je les vis ensuite tenir conseil et faire l'image d'une vierge, qu'ils placèrent au milieu du plafond du temple, étendue en l'air et comme planant. Cette figure' avait une coiffure pareille à celle de leurs idoles, dont un grand nombre étaient rangées à la suite les unes des autres, ayant le haut du corps d'une femme et le reste d'un lion. Sur le haut de la tète était un petit vase assez profond, semblable à ceux dont on se servait pour mesurer des fruits ; le haut des bras était appliqué le long du corps jusqu'au coude, les bras s'en séparaient et s'étendaient en se relevant ; elle tenait des épis de blé dans les mains ; elle avait trois mamelles, une plus grande, placée plus haut au milieu ; deux plus petites, plus bas, de chaque côté de la première.
Un archéologue a communiqué à l'écrivain un dessin fait d'après une antique statue égyptienne, qui est censée représenter Isis, et qui correspond de tout point à la description donnée par la sœur de cette singulière figure.
Le bas du corps était enveloppé d'un long vêtement ; les pieds étaient petits et effilés ; des espèces de houppes y pendaient. Aux deux épaules étaient attachées des espèces d'ailes comme de belles plumes en forme de rayons. Ces ailes étaient comme deux peignes de plumes jointes les unes aux autres. Des plumes croisées couraient le long des hanches et se repliaient par-dessus le milieu du corps. La robe n'avait pas de plis.
Ils honorèrent cette image et lui offrirent des sacrifices, la priant de vouloir bien ne pas briser leur dieu Apis et leurs autres dieux. Du reste, ils persévérèrent comme auparavant dans toutes les abominations de leur culte idolâtrique ; seulement, à dater de ce temps, ils invoquèrent par avance cette vierge, dont ils avaient composé l'image, à ce que je pense, d'après diverses indications tirées du récit du prophète et en essayant de reproduire la figure vue par Élie.
Je vis aussi comment, à cette époque, par un effet de la grande miséricorde de Dieu, il fut annoncé à de pieux païens que le Messie naîtrait d'une vierge dans la Judée. Les ancêtres des trois rois mages, les Chaldéens, adorateurs des astres, reçurent cette connaissance au moyen de l'apparition d'une image dans une étoile ou dans le ciel. Ils prédirent l'avenir à ce sujet. J'ai vu les traces de ces annonces prophétiques de la sainte Vierge dans les représentations figurées qui ornaient leurs temples. J'en ai parlé ailleurs.