Présentation de la Mère de Dieu au Temple : 21 Novembre 2009- 1
Titien, la Présentation de la Vierge au Temple, 1534-38 (Académie de Venise)
Quelques jours après le commencement de l’Avent, l’Église célèbre la fête de la Présentation de la Sainte Vierge au Temple (21 Novembre). Il est juste que, au début du temps de préparation à Noël, notre pensée se porte vers la Mère de Dieu, dont l’humble et silencieuse attente doit être le modèle de notre propre attente pendant l’Avent. Plus nous nous rapprocherons de Marie pas notre prière, notre docilité, notre pureté, plus se formera en nous Celui qui va naître.
Que Marie, toute petite enfant, ait été présentée au Temple de Jérusalem pour y vivre, désormais appartient au domaine de la légende, non à celui de l’histoire [9]. Mais cette légende constitue un gracieux symbole dont nous pouvons tirer les plus profonds enseignements spirituels.
La préparation
Plusieurs semaines après la naissance de Marie, je vis Joachim et Anne se rendre au temple avec leur enfant pour y offrir un sacrifice. Ils présentèrent leur enfant dans le temple avec un vif sentiment de piété et de reconnaissance envers Dieu, de même que plus tard la sainte Vierge présenta et racheta l'enfant Jésus selon les prescriptions de la loi. Le jour suivant, ils firent leur offrande et s'engagèrent à consacrer leur enfant a Dieu dans le temple au bout de quelques années. Ils retournèrent ensuite à Nazareth.
XXVII Présentation de Marie. Préparatifs dans la maison de sainte Anne.
Le 28 octobre 1821, Anne-Catherine Emmerich raconta ce qui suit, étant dans l'état de veille : La petite Marie sera bientôt conduite au temple de Jérusalem. J'ai vu, il y a déjà quelques jours, Anne dans une chambre de la maison de Nazareth, ayant devant elle Marie, âgée alors de trois ans, et lui apprenant à prier, parce que les prêtres devaient venir bientôt pour examiner l'enfant à l'occasion de son admission dans le temple. Aujourd'hui, il y avait fête dans la maison de sainte Anne : c'était comme une préparation.
La présentation de Marie et son séjour dans le temple sont attestés de plusieurs façons par l'autorité de l'Église. La commémoration de la Présentation de Marie est fixée au 21 novembre dans tous les missels c : les bréviaires. Dès les temps apostoliques, nous avons un garant de cette tradition dans la personne de l'évêque Evodius, cité par Nicéphore, Histoire ecclésiastique, Liv. II, C. 3. Saint Grégoire de Nysse, saint Épiphane, saint George de Nicomédie, saint Grégoire de Thessalonique, saint Jean Damascène et d'autres saints Pères rendent le même témoignage. L'Église grecque célèbre cette fête depuis onze siècles au moins. Même dans le Coran, .Sura Imram, v 3l, le séjour de Marie au temple est raconté avec détail.
... Ces prêtres étaient venus pour examiner si la petite Marie était en état de venir au temple, et en outre pour la faire habiller suivant un certain modèle déterminé. Il y avait trois habillements de différentes couleurs, dont chacun se composait d'une robe, d'une pièce d'étoffe pour Couvrir la poitrine et d'un manteau. A ce costume appartenaient aussi deux guirlandes en soie et en laine, et une couronne fermée par en haut. L'un des prêtres coupa lui-même quelques parties de cet habillement, et arrangea tout conformément à la règle.
Quelques jours plus tard, le 2 novembre, elle continua en ces termes : J'ai vu aujourd'hui une grande fête dans la maison des parents de Marie...Les trois prêtres étaient encore présents, ainsi que plusieurs parents et leurs petites filles... Marie est très délicate ; elle a des cheveux d'un blond doré, légèrement bouclés à leur extrémité. Elle sait déjà lire, et tout le monde admire la sagesse de ses réponses.
Les habits de Marie, déjà taillés en partie par les prêtres, avaient été cousus par les femmes. On les mit à l'enfant à différentes reprises pendant cette fête, et on lui adressa alors plusieurs questions. Toute la cérémonie était grave et solennelle, et quoique les vieux prêtres l'accomplissent avec un sourire naïf, ils reprenaient leur sérieux par suite de l'admiration que faisaient naître les sages réponses de Marie, et à la vue des larmes de joie de ses parents.
La cérémonie eut lieu dans une chambre carrée, près de la pièce où l'on mangeait... On avait étendu par terre un tapis de couleur rouge ; il y avait une table d'autel au-dessus de laquelle une espèce de rideau cachait une petite niche où se trouvaient des rouleaux écrits contenant des prières. Devant cet autel, sur lequel étaient déposés les trois habillements de Marie, ainsi que plusieurs pièces d'étoffe que les parents avaient apportées pour le trousseau de l'enfant, se trouvait une espèce de petit trône élevé sur des gradins. Joachim, Anne et les autres membres de la famille étaient rassemblés. Les femmes se trouvaient derrière, et les petites filles à côté de Marie. Les prêtres entrèrent les pieds déchaussés. Il y avait cinq prêtres, mais trois seulement étaient en vêtements sacerdotaux et prenaient part à la cérémonie. L'un d'eux prit sur l'autel les différentes pièces de l'habillement, expliqua leur signification, et les présenta à la sœur d'Anne, Maraha de Séphoris, qui en revêtit l'enfant.
Marie se tenant debout ainsi habillée, les prêtres lui adressèrent différentes questions qui avaient rapport à la manière de vivre des vierges du temple. Ils lui dirent, entre autres choses : " Tes parents, en te consacrant au, temple, ont fait le vœu que tu ne boirais ni vin ni vinaigre, et que tu ne mangerais ni raisins ni figues ; que veux-tu ajouter toi-même à ce vœu, tu peux y réfléchir pendant le repas ". Les Juifs, et spécialement les jeunes filles juives, aimaient à boire du vinaigre et Marie elle même y prenait plaisir. Après plusieurs demandes du même genre, on lui retira le premier habit et on lui mit le second : après quoi, tout le monde se rendit dans la chambre voisine pour le repas. Marie était placée à table entre deux des prêtres ; un troisième était en face d'elle.
Dans le livre des Nombres, VI, 3, il est dit que ceux qui ceux qui sont consacrés à Dieu doivent s'abstenir de vinaigre.
Les femmes et les jeunes filles étaient à un bout de la table séparées des hommes. Pendant le repas, l'enfant fut encore interrogée et répondit. On lui dit : " Maintenant, tu peux manger de tout ", et on lui offrit plusieurs choses pour l'éprouver. Mais Marie ne mangea que de peu de plats et en petite quantité, et elle étonna tout le monde par la sagesse enfantine de ses réponses. Pendant le repas et pendant toute l'épreuve. Je vis à ses côtés des anges qui l'assistaient et la dirigeaient dans tout ce qu'elle faisait.
Après le repas, tout le monde se rendit dans la première chambre, devant l'autel, où on déshabilla encore l'enfant et où on lui mit l'habit de cérémonie. C'était une robe d'un bleu violet à fleurs jaunes, puis un scapulaire ou une espèce de fichu brodé de diverses couleurs, et enfin un manteau de la couleur de la robe. Le manteau était ouvert jusque sous la poitrine et tombait en plis majestueux qui commençaient à la hauteur des bras. On lui mit en outre un grand voile, blanc d'un côté et violet de l'autre. La couronne qu'on lui plaça sur la tête se composait d'un cercle large et mince, dont le bord supérieur était découpé en pointes surmontées de boutons. Cette couronne était fermée par en haut et surmontée d'un bouton. Revêtue de cet habit de cérémonie dont le prêtre lui avait expliqué la signification, Marie fut conduite sur l'extrade à degrés qui était devant l'autel. Les petites filles se tenaient à ses côtés. Elle déclara alors à quoi elle s'engageait à renoncer en entrant dans le temple. Elle promettait de ne manger ni viande ni poisson et de ne pas boire de lait, mais seulement une boisson faite d'eau et de moelle de jonc, dont les gens pauvres faisaient usage. Elle se réservait seulement de mettre quelquefois dans son eau un peu de jus de térébinthe. C'est comme une huile blanche qui réconforte beaucoup, mais qui est moins agréable que le baume. Elle renonçait à toute espèce d'épices, et ne voulait pas manger de fruits, excepté une espèce de baies jaunes qui viennent en grappes. Je les connais bien ; les enfants et les pauvres gens en mangent. Elle voulait dormir sur la terre nue et se relever trois fois la nuit pour prier. Les autres vierges ne le faisaient qu'une fois toutes les nuits.
Les parents de Marie furent profondément émus de ses paroles. Joachim serra l'enfant dans ses bras en pleurant, et dit : " Mon enfant, c'est trop sévère : si tu mènes une vie si dure, ton vieux père ne te reverra pas ". Tout cela était très touchant à entendre. Les prêtres lui dirent qu'elle ne devait se relever qu'une fois la nuit pour prier, comme faisaient les autres, et ils lui imposèrent encore d'autres adoucissements : par exemple, l'usage du poisson aux jours de grandes fêtes. Il y avait à Jérusalem un grand marché au poisson dans une partie basse de la ville. Il recevait de l'eau de la piscine de Bethesda. Comme elle manqua une fois, Hérode le Grand voulut y établir une fontaine ou un aqueduc, et vendre pour cela des vêtements et des vases sacrés du temple. Il y eut presque une émeute à cette occasion Des Esséniens vinrent à Jérusalem de toutes les parties du pays et s'y opposèrent : car les Esséniens étaient chargés de l'inspection des vêtements sacerdotaux ; cela me revint alors subitement à la mémoire.-Les prêtres dirent encore à Marie : « Plusieurs des autres vierges qui sont reçues gratuitement au temple s'engagent, avec le consentement de leurs parents, aussitôt que leurs forces le leur permettent, à laver les habits des prêtres tout souillés du sang des victimes' et d'autres grossières étoffes de laine. C'est un rude travail, qui met souvent les mains en sang ; tu n'es pas obligée de t'y soumettre, parce que tes parents se chargent de ton entretien au temple ». Marie déclara alors qu'elle se chargerait volontiers de ce Travail si on l'en jugeait digne. La cérémonie de la vêture s'acheva parmi beaucoup d'interrogations et de réponses de ce genre.
Pendant cette sainte cérémonie, Marie m'apparut tellement grande, que sa taille dépassait celle des prêtres. On me donnait par là une image de sa sagesse et de la grâce qui était en elle. Les prêtres étaient pleins d'un étonnement joyeux. A la fin de la cérémonie, je vis le principal prêtre bénir Marie. Elle était debout sur un petit trône entre deux prêtres. Celui qui bénissait était en face d'elle, l'autre derrière elle. Les prêtres récitaient des prières qu'ils lisaient sur les rouleaux de parchemin et se répandaient alternativement. Le premier la bénit en étendant les mains sur elle. J'eus, à cette occasion, le bonheur de voir l'intérieur de la sainte enfant. Je la vis toute lumineuse pendant la bénédiction du prêtre, et, sous son cœur, je vis dans une gloire ce que j'avais vu en contemplant l'objet sacré contenu dans l'Arche d'alliance. Dans une sphère lumineuse de la même forme que le calice de Melchisédech, je vis des symboles figuratifs de la bénédiction. C'était comme du froment et du vin, de la chair et du sang, tendant à devenir une seule et même chose. Je vis aussi au-dessus de cette apparition son cœur s'ouvrir comme la porte d'un temple, et j'y vis entrer le symbole mystérieux, autour duquel il s'était formé comme un dais de pierres précieuses ayant toutes leur signification. Il me semblait voir l'Arche d'alliance entrant dans le Saint des saints du temple. Puis je ne vis plus que la sainte enfant inondée par la splendeur du feu qui brûlait au dedans d'elle. Elle m'apparut comme transfigurée et s'élevant au-dessus du sol. Je connus pendant cette apparition qu'un des prêtres « avait acquis par une illumination d'en haut la conviction intérieure que Marie était le vase d'élection renfermant le mystère du salut ; car je le vis recevoir un rayon de la bénédiction qui sembla entrer en lui. »
Les prêtres reconduisirent alors l'enfant vers ses parents émus. Anne prit Marie dans ses bras et l'embrassa avec une tendresse mêlée de vénération. Joachim, profondément ému, lui prit la main avec gravité et respect. La sœur aînée de Marie l'embrassa avec plus de vivacité qu'Anne, qui était modeste et réservée dans toutes ses actions. Marie de Cléophas, la petite nièce de la sainte enfant, lui jeta les bras au cou avec une joie enfantine.
Elle croyait, lorsqu'elle raconta la chose en 1820, que ce prêtre était Zacharie.
Quand tous les assistants l'eurent complimentée, on lui ôta ses habits de fête, et elle reparut dans son costume ordinaire
XXVIII Départ de Marie pour le temple.
Je vis encore deux des prêtres qui étaient restés. L'un d'eux était un vieillard ; il avait un capuchon qui se terminait en pointe sur le front ; son habit de dessus était plus court que celui de dessous. C'était celui qui la veille s'était principalement occupé de l'examen de Marie, et qui lui avait donné sa bénédiction. Je le vis encore donner des instructions à l'enfant. Marie, âgée d'un peu plus de trois ans, belle et délicate, était aussi avancée qu'un enfant de cinq ans chez nous. Elle avait des cheveux d'un blond doré, lisses, bouclés à l'extrémité, et plus longs que ceux de Marie de Cléophas, enfant de sept ans, dont la blonde chevelure était courte et frisée. Les enfants comme les grandes personnes avaient tous pour la plupart des vêtements longs de laine brune sans teinture.
Parmi les assistants, je remarquai particulièrement deux jeunes garçons qui ne paraissaient pas être de la famille et qui ne s'entretenaient avec aucun de ses membres. Il semblait que personne ne les vit. Ils étaient beaux et aimables, avec leurs cheveux blonds et frisés, et ils me parlèrent. Ils avaient des livres, probablement pour leur instruction. La petite Marie n'avait aucun livre, quoiqu'elle sût déjà lire. Ce n'étaient pas des livres comme les nôtres, mais de longues bandes, larges à peu près d'une demi aune, roulées autour d'un bâton, dont les bouts arrondis sortaient de chaque côté. Le plus grand de ces deux garçons avait un rouleau déployé. Il s'approcha de moi, et lut quelque chose qu'il m'expliqua. C'étaient des lettres d'or qui m'étaient tout à fait inconnues, écrites à rebours, et chaque lettre semblait représenter un mot entier. La langue était tout à fait étrangère pour moi, mais pourtant je la comprenais. Malheureusement j'ai oublié ce qu'il m'expliquait : c'était un texte de Moise ; il me reviendra peut-être. Le plus petit portait son rouleau à la main comme un jouet. Il sautait ça et là comme font les enfants et agitait son rouleau en jouant. Je ne puis dire à quel point ces enfants me plaisaient. Ils étaient tout autrement que les assistants, et ceux-ci ne paraissaient pas faire attention à eux.
C'est ainsi que la sœur parla longtemps de ces jeunes garçons avec une complaisance naïve, sans pouvoir, bien préciser qui ils étaient. Mais, après souper, quand elle eut dormi quelques minutes, elle dit en revenant à elle : « Ces garçons que je vis avaient une signification spirituelle ; leur présence là n'était pas selon l'ordre naturel. C'étaient seulement des figures symboliques de prophètes. Le plus grand portait son rouleau avec beaucoup de gravité. Il m'y montrait le passage du second livre de Moise où celui-ci voit, dans le buisson ardent, le Seigneur qui lui dit d'ôter sa chaussure. Il m'expliqua que, de même que le buisson brûlait sans se consumer, de même le feu du Saint Esprit brûlait dans la petite Marie, qui portait cette sainte flamme en elle comme un enfant, sans en avoir la conscience. Cela indiquait aussi l'union prochaine de la Divinité avec l'humanité. Le feu signifiait Dieu, le buisson les hommes. Il m'expliqua aussi l'ordre de se déchausser, mais je ne me souviens plus de son explication. Cela signifiait, je crois, que maintenant le voile était enlevé, et que la réalité se montrait ; que la loi recevait son accomplissement ; qu'il y avait ici plus que Moise et les prophètes.
L'autre enfant portait son rouleau au bout d'un bâton comme un petit drapeau flottant au vent : cela voulait dire que Marie entrait maintenant avec joie dans la carrière de mère du Rédempteur. Ce garçon paraissait plein de naïveté et jouait avec son rouleau. Cela représentait l'innocence enfantine de Marie, sur laquelle reposait une si grande promesse, et qui, avec cette sainte destination, jouait pourtant comme un enfant. Ces jeunes garçons m'expliquèrent sept passages de leurs rouleaux. Mais, dans l'état de souffrance où je suis, tout m'est sorti de la mémoire, excepté ce que j'ai dit. « O mon Dieu ! » s'écria la narratrice, a comme tout cela, quand je le vois, me parait beau et profond, et en même temps simple et clair ! Mais je ne puis le raconter avec ordre, et il me faut tout oublier, à cause des misérables soucis de cette triste vie.»
Une autre fois elle dit : « Je suis allée à Jérusalem, je ne sais pas exactement dans quel temps, mais c'était un tableau de l'époque des anciens rois de Juda. Je l'ai oublié. Il me fallut ensuite aller à Nazareth, vers la maison de sainte Anne. Devant Jérusalem, les deux jeunes garçons s'étaient joints à moi ; ils faisaient la même route. L'un d'eux portait à la main, d'un air très grave, un rouleau d'écritures. Le plus jeune avait son rouleau au bout d'un bâton, et s'amusait à le faire flotter au vent comme un drapeau. Ils me parlèrent avec joie de l'accomplissement des temps prédits dans leurs prophéties, car c'étaient des figures de prophètes. J'eus près de moi cette ceinture de pénitence qui me fut apportée hier, et je la montrai, je ne sais par quelle impulsion, à l'un de ces enfants-prophètes, qui était Élie. Il me dit : « C'est un instrument de torture qu'il n'est pas permis de porter. Moi aussi, sur le mont Carmel, j'ai préparé et porté une ceinture que j'ai laissée à tous les enfants de mon ordre, les Carmes et Carmélites. Voilà la ceinture que cet homme doit porter ; elle lui sera bien plus profitable que l'autre ».
……
Comme nous étions près de la maison de sainte Anne, et que je voulais y entrer, je ne pus pas en venir à bout, et mon conducteur, mon ange gardien, me dit : « il faut auparavant te défaire de beaucoup de choses ; tu dois revenir à l'âge de neuf ans ». Je ne savais pas comment m'y prendre, mais il m'aida, je ne sais comment, et trois années furent tout à fait retranchées de ma vie, ces trois années pendant lesquelles je fus si vaine de mes ajustements, et aimais tant à être une fille bien parée. Je finis par n'avoir que neuf ans, et alors je pus entrer dans la maison avec les enfants-prophètes. Alors Marie, à l'âge de trois ans, vint à ma rencontre ; elle se mesura avec moi, et elle était de ma taille quand elle s'approcha de moi. Oh ! qu'elle était affable et gracieuse, sans cesser pourtant d'être grave !
Je me trouvai dans la maison à côté des prophètes. On ne paraissait pas nous remarquer, nous ne dérangions personne. Quoiqu'ils fussent déjà vieux plusieurs siècles auparavant, ils ne s'étonnaient pas d'assister là en jeunes garçons ; et moi, qui étais pourtant une religieuse de quarante et quelques années, je n'étais pas surprise non plus de me retrouver une pauvre petite paysanne de neuf ans. Quand on est avec ces saints personnages, on ne s'étonne de rien, si ce n'est de l'aveuglement des hommes et de leurs péchés.
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L'obligation où elle fut de se sentir un enfant de neuf ans peut venir de ce que sa présence à ces scènes n'était pas plus réelle que celle des prophètes, et qu'il lui fallait, en pareil cas, revenir à l'âge de l'enfance. Ceux-là signifiaient l'accomplissement des prophéties ; elle, la contemplation de cet accomplissement. Elle sentit particulièrement qu'il lui fallait se dépouiller des trois années pendant lesquelles elle avait eu un peu de vanité dans les habits. Cela semblerait venir de ce que Marie, dans la cérémonie décrite plus haut, était revêtue de plusieurs habits de fête, et que la spectatrice devait les regarder avec la même humilité qu'elle, et n'y voir que leur signification spirituelle. La circonstance que la petite Marie se mesure avec elle peut vouloir dire : " Ce n'est que dans cet âge innocent de ton enfance que tu peux regarder cette sainte cérémonie avec la simplicité nécessaire ". Ou bien encore : " Vois, j'ai trois ans et toi neuf, pourtant je suis aussi grande que toi, car, dans mon intérieur, je suis bien au-dessus de mon âge, etc., etc ".
XXIX Départ pour Jérusalem.
Je les vis se mettre en route pour Jérusalem dès le point du jour. La petite Marie désirait vivement arriver au temple ; elle sortit de la maison en toute hâte et vint prés des bêtes de somme. Les jeunes garçons me montrèrent encore des textes sur leurs rouleaux. L'un de ces textes disait que le temple était magnifique, mais que cette enfant renfermait quelque chose de plus magnifique encore, etc.
… La sainte Famille entra chez des amis dans une maison bien disposée. Celui qui l'habitait était maître d'école. C'était une école de lévites, et il y avait plusieurs enfants dans la maison… On fit une vraie fête à la petite Marie : on la conduisit, en compagnie des autres enfants, dans une grande salle ; on la mit sur un siège élevé qui était comme un petit trône préparé pour elle. Alors le maître d'école et d'autres personnes présentes lui firent toutes sortes de questions et mirent des guirlandes sur sa tête….
…Tout le monde était étonné de la sagesse de ses réponses. J'entendis parler aussi de l'esprit judicieux d'une autre jeune fille qui avait passé par là peu de temps auparavant en revenant de l'école du temple chez ses parents. Elle s'appelait « Suzanne », et figura plus tard parmi les saintes femmes qui suivaient Jésus. Marie prit sa place, car il y avait au temple un nombre fixé de places pour les jeunes filles. Suzanne avait quinze ans quand elle quitta le temple, par conséquent environ onze ans de plus que Marie. Sainte Anne aussi avait été élevée dans le temple, mais elle n'y était venue que dans sa cinquième année.
La chère petite Marie était toute joyeuse d'être si près du temple. Je vis Joachim la serrer dans ses bras en pleurant, et lui dire : " Mon enfant, je ne te reverrai plus.
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XXX Arrivée à Jérusalem. La ville. Le temple.
Le 6 novembre 1821, dans la soirée, la sœur raconta ce qui suit : J'ai vu aujourd'hui, à midi, l'arrivée de Marie à Jérusalem, avec le cortège qui l'accompagnait. Jérusalem est une singulière ville. Il ne faut pas se figurer qu'il y ait autant de gens dans les rues qu'il y en a, par exemple, à Paris…. En général, les rues de Jérusalem sont assez tranquilles, excepté dans le voisinage des marchés et des palais, où il y à un certain mouvement de soldats et de voyageurs….
Aux époques où tout le monde est rassemblé autour du temple, plusieurs quartiers de la ville sont tout à fait morts. L'habitude qu'on a de rester chez soi, et la quantité de chemins solitaires dans les vallées faisaient que Jésus pouvait souvent parcourir la ville avec ses disciples sans être dérangé par personne.
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Les voyageurs, avec la petite Marie, arrivèrent à Jérusalem par le côté du nord ; toutefois, il n'entrèrent pas là, mais tournèrent autour de la ville jusqu'au mur oriental, en suivant une partie de la vallée de Josaphat. Alors, laissant à gauche la montagne des Oliviers et le chemin de Béthanie, ils entrèrent dans la ville par la porte des Brebis, qui conduit au marché aux bestiaux. Près de cette porte, est une piscine, où on lave pour la première fois les brebis destinées aux sacrifices. Ce n'est pas la piscine de Béthesda.
Le cortège, après s'être un peu avancé dans la ville, tourna de nouveau à droite et entra comme dans un autre quartier. Ils suivirent ensuite une longue vallée intérieure que dominent d'un côté les hautes murailles d'un quartier plus élevé ; puis ils vinrent dans la partie occidentale, dans les environs du marché au poisson, où se trouve la maison paternelle de Zacharie d'Hébron. Il y avait là un homme très âgé ; c'était, je crois, le frère de son père. Zacharie revenait toujours là après avoir fait son service au temple. Lui-même était encore dans la ville ; son temps de service était fini, et il ne devait plus rester que quelques jours à Jérusalem, pour assister à l'entrée de Marie au temple. Il n'était pas présent lors de l'arrivée du cortège. Il se trouvait alors dans la maison plusieurs parents des environs de Bethléhem et d'Hébron, notamment deux filles de la soeur d'Elisabeth. Elisabeth, elle-même, n'était pas présente. Toutes ces personnes vinrent au-devant des voyageurs, jusqu'à un quart de lieue par le chemin de la vallée ; elles avaient avec elles plusieurs jeunes filles qui portaient des guirlandes et des branches d'arbres. Elles reçurent les arrivants avec des démonstrations de joie, et conduisirent le cortège à la maison de Zacharie, où on leur fit fête.
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Les animaux destinés au sacrifice par Joachim avaient été déjà conduits des environs du marché aux bestiaux dans des étables situées près de cette maison. Zacharie vint aussi pour conduire le cortège de sa maison paternelle à l'auberge en question.
On mit à la petite Marie le second vêtement de cérémonie avec le manteau bleu céleste. Tous se mirent en marche, formant comme une procession. Zacharie allait en avant, avec Joachim et Anne ; puis, venait Marie, entourée de quatre petites filles habillées de blanc ; les autres enfants, avec leurs parents, fermaient la marche. Ils suivirent plusieurs rues et passèrent devant le palais d'Hérode, et devant la maison qu'habita plus tard Pilate. Ils se dirigèrent vers l'angle nord-est du temple, ayant derrière eux la forteresse Antonia, grand édifice fort élevé, situé au nord-ouest du temple. Ils montèrent un escalier percé dans une haute muraille. La petite Marie monta toute seule avec un empressement joyeux ; on voulait l'aider mais elle ne le permit pas ; tout le monde la regardait avec étonnement.
La maison où ils entrèrent était une auberge pour les jours de fête, 6ituée à peu de distance du marché aux bestiaux. Il y avait plusieurs auberges de ce genre autour du temple. Zacharie avait loué celle-ci pour eux.
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Joachim, qui s'était fait annoncer comme devant sacrifier, suivit les serviteurs du temple dans l'endroit où étaient les animaux qu'ils examinèrent.
Tout cela se passait avec un ordre incroyable. Les prêtres et les lévites allaient et venaient, toujours deux par deux, et, dans ce travail compliqué et pénible, tout se faisait facilement et comme de soi-même. Les morceaux destinés au sacrifice restaient dans le sel jusqu'au jour suivant, qui était celui où ils étaient offerts sur l'autel.
Joachim et Anne se rendirent ensuite avec Marie dans l'habitation des prêtres, laquelle était située plus haut. Ici aussi l'enfant, comme poussée et portée par un esprit intérieur, monta les degrés très vite et avec un élan extraordinaire. Les deux prêtres qui étaient dans la maison, l'un très âgé, l'autre plus jeune, les accueillirent très amicalement ; tous deux avaient assisté à l'examen de Marie à Nazareth, et ils attendaient sa venue. Après qu'on eut échangé quelques paroles sur le voyage et sur la cérémonie prochaine de la présentation, ils firent appeler une des femmes du temple : c'était une veuve âgée qui devait être chargée de veiller sur l'enfant. Elle habitait dans le voisinage du temple avec d'autres personnes de même condition ; elle faisait toutes sortes d'ouvrages de femme et élevait des petites filles. Leur habitation était un peu plus éloignée du temple que les pièces immédiatement adjacentes à cet édifice, dans lesquelles avaient été disposés, pour les femmes et les jeunes filles consacrées au service du temple, de petits oratoires d'où l'on pouvait voir dans le sanctuaire sans être vu soi-même. La matrone qui venait d'arriver était si bien enveloppée dans ses vêtements, qu'on pouvait à peine voir un peu de son visage. Les prêtres et les parents de Marie lui présentèrent l'enfant comme devant être confiée à ses soins. Elle fut affectueuse avec dignité, sans cesser d'être grave ; l'enfant, de son côté, se montra humble et respectueuse. On instruisit cette femme de tout ce qui concernait Marie, et on s'entretint avec elle touchant la remise solennelle au temple. Elle descendit avec eux à l'auberge, prit un paquet d'effets appartenant à l'enfant, et les emporta avec elle pour tout préparer dans le logement qui lui était destiné.
Les gens qui avaient accompagné le cortège depuis la maison de Zacharie, s'en retournèrent chez eux. Seulement les parents venus avec la sainte Famille restèrent dans l'auberge louée par Zacharie. Les femmes s'installèrent et préparèrent tout pour un repas de fête qui devait avoir lieu le jour suivant.
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Dans l'auberge il y eut aujourd'hui fête et repas solennel. Il y avait bien là cent personnes, les enfants compris. Environ vingt-quatre jeunes filles de différents âges étaient présentes. Je vis, entre autres, Séraphia, qui fut nommée Véronique après la mort de Jésus. Elle était déjà assez grande, elle pouvait bien avoir dix ou douze ans. On prépara des couronnes et des guirlandes de fleurs pour Marie et ses compagnes. L'on para aussi sept cierges ou flambeaux : c'étaient comme des chandeliers en forme de sceptre, sans piédestal'. Quant à la flamme qui brillait à leur extrémité, je ne sais si elle était alimentée par de l'huile, par de la cire ou par quelque autre matière. Pendant la fête, plusieurs prêtres et lévites entrèrent et sortirent. Ils prirent aussi part au repas. Comme ils s'étonnaient de la quantité de victimes offertes par Joachim, il leur dit qu'en souvenir de l'affront qu'il avait reçu au temple quand son sacrifice avait été rejeté, et à cause de la miséricorde de Dieu qui avait exaucé sa prière, il voulait maintenant témoigner sa reconnaissance suivant ses moyens. Je vis encore aujourd'hui la petite Marie se promener à l'entour de la maison avec les autres jeunes filles. J'ai oublié beaucoup d'autres choses.